Maroc – Abderrafia Zouitene : « Le tourisme culturel est une valeur sûre »

Abderrafia Zouitene, patron de l’Office national marocain du tourisme (ONMT) et amoureux de la ville de Fès, présente les mesures prises par le royaume pour attirer toujours plus de visiteurs. Interview.

La ville de Fès, en avril 2017. © Mosa’ab Elshamy/AP/SIPA

La ville de Fès, en avril 2017. © Mosa’ab Elshamy/AP/SIPA

CRETOIS Jules

Publié le 15 mai 2017 Lecture : 4 minutes.

Le directeur de l’Office national marocain du tourisme est aussi depuis 2014 le président de la Fondation Esprit de Fès, organisatrice du Festival des musiques sacrées qui se déroule dans la capitale spirituelle du royaume, du 12 au 20 mai. Lui-même fassi, petit-fils d’un fqih de la Quaraouiyine parti prêcher jusqu’au Sénégal, il revient sur la réhabilitation de la médina de Fès, l’attractivité de la ville, le tourisme vert et le tourisme culturel.

Jeune Afrique : En 2016, vous avez terminé la réhabilitation de la médina de Fès. Pouvez-vous nous en faire un petit bilan ?

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Abderrafia Zouitene : Plus de 80 millions d’euros ont été nécessaires à la rénovation de la médina. C’était un investissement indispensable et logique. La vieille ville de Fès est de nouveau un véritable musée à ciel ouvert. C’est une ville importante pour le tourisme culturel, qui est toujours une valeur sûre. Les villes qui reçoivent le plus de touristes dans le monde sont souvent des villes avec une forte offre culturelle. Personne ne va à Londres pour le balnéaire… Nous cherchons à placer cette ville sur un circuit de tourisme culturel exigeant. Bientôt celle-ci sera reliée à Marrakech par avion, à très bas coût. Chacun pourra voyager d’une ville impériale à l’autre. Nous allons aussi ouvrir une ligne entre Fès et Séville, dans le même état d’esprit. Quant au but, il est clair : nous comptons dépasser le million de passagers annuels à l’aéroport de Fès en 2017 ou en 2018. Et il nous reste encore quelques belles annonces à faire. Sous peu par exemple, les travaux du célèbre Palais Jamaï [qui appartient à l’ONCF, NDLR] seront terminés.

Pour atteindre ce chiffre, pouvez-vous aussi parier sur le tourisme cultuel ?

Bien sûr. C’est dans la région que Moulay Idriss a introduit l’islam au Maroc et c’est une ville sainte. D’ores et déjà, des pèlerins viennent régulièrement, notamment des Tijanis. Les Tijanis, ce sont plusieurs dizaines de millions d’adeptes et autant de personnes susceptibles de visiter Fès. Nous proposons d’ailleurs des produits « Ziyara Tijaniya » et nous travaillons sur l’ouverture d’une ligne entre Dakar et Fès.

Nous avons invité des télévisions, des blogueurs, organisé des reportages et favorisé une approche digitale pour nous adresser aux touristes chinois

La culture peut-elle aussi booster le tourisme intérieur ?

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Le développement d’une classe moyenne marocaine va de pair avec le développement de l’offre culturelle. Les infrastructures permettent aujourd’hui aux Marocains de voyager dans leur pays, mais nous devons en effet continuer nos efforts pour offrir plus aux voyageurs. Aujourd’hui, à l’échelle nationale, les touristes marocains représentent 30% des nuitées globales et surtout ils constituent le réservoir de sécurité du marché.

Cette année, le festival de Fès a fait de la Chine l’invité d’honneur. Qu’en est-il de ce public ?

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L’exemption des visas annoncée par le roi lors de son déplacement en Chine en juin 2016 a libéré un incroyable potentiel. Avant, nous tournions à environ 1 000 visiteurs chinois par mois sur l’ensemble du pays, dans le meilleur des cas. Nous sommes aujourd’hui à environ 10 000 visiteurs mensuels. En 2017, nous pouvons espérer accueillir 100 000 touristes chinois sur l’année. Cela veut bien sûr dire que l’image du Maroc était déjà bonne. Mais nous ne pouvons pas nous en tenir à ça. Le tourisme est un secteur ultra-compétitif. D’ailleurs, après la décision royale d’exemption des visas, la Tunisie et Dubaï ont imité ce geste. Nous avons alors invité des télévisions, des blogueurs, organisé des reportages et favorisé une approche digitale pour nous adresser aux touristes chinois. Et nous remarquons déjà que ces denriers sont avant tout attirés par le tourisme culturel, les musées, le savoir, les médinas…

En fait, il y a une réalité toute simple : les touristes viennent là où il fait bon vivre

Peut-on conjuguer l’intérêt des touristes et celui des habitants de la médina ?

C’est tout l’intérêt d’un tourisme culturel qui ne verse pas dans le folklore. Les habitants et les visiteurs, au final, cherchent les mêmes choses : animation, sécurité, activités, transports… Et je crois que Fès est un exemple typique de la conjugaison des envies et des besoins. Et la réhabilitation a même permis de définitivement tourner la page de l’insécurité à Fès. Depuis les travaux, les habitants ont encore plus envie de préserver l’endroit, de le rendre toujours plus accueillant. En fait, il y a une réalité toute simple : les touristes viennent là où il fait bon vivre.

Lors de ce festival, a été discutée la question écologique. Le tourisme vert est un chantier ?

C’est plus qu’un chantier, c’est une obligation. Éthique bien sûr, mais aussi pour le secteur. Aujourd’hui, de nombreux touristes refusent de se déplacer s’ils ont l’impression de nuire à l’environnement. Promouvoir un tourisme vert n’est pas une tâche aisée, mais nous y sommes fermement engagés, ainsi que de très nombreux opérateurs du secteur. En 2015, un écolodge d’Agadir a remporté le fameux World Responsible Tourism Award. C’était un symbole fort. L’État marocain aussi a pris ses engagements : aujourd’hui, aucun parcours de golf ne peut ouvrir s’il n’est pas doté d’un système de recyclage des eaux usées pour l’arrosage. Là encore, nous en revenons à ce que nous disions sur les intérêts partagés entre habitants et visiteurs…

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