Emmanuel Macron, un plébiscite en trompe-l’œil ?

Emmanuel macron est le grand vainqueur – et le seul gagnant – du premier tour de l’élection présidentielle française organisé dimanche 23 avril. Mais que vaut réellement sa victoire ?

Emmanuel Macron à Paris, au soir du premier tour de l’élection présidentielle française, dimanche 23 mars 2017. © Kamil Zihnioglu/AP/SIPA

Emmanuel Macron à Paris, au soir du premier tour de l’élection présidentielle française, dimanche 23 mars 2017. © Kamil Zihnioglu/AP/SIPA

ProfilAuteur_SamyGhorbal
  • Samy Ghorbal

    Samy Ghorbal est ancien journaliste de Jeune Afrique, spécialiste de la Tunisie.

Publié le 24 avril 2017 Lecture : 4 minutes.

Marine Le Pen peut pousser un long soupir de soulagement. La candidate du Front national s’est finalement qualifiée pour le second tour, comme les sondages le laissaient présager, mais son score, qui la place en deuxième position, avec 21,30% des suffrages exprimés, reste décevant. Il y a dix semaines, les études d’opinion la créditaient de 28 à 30% et la première place paraissait assurée.

La patronne du Front national n’a pas de raisons de pavoiser. Elle a bénéficié d’un climat incroyablement propice. Toutes les planètes étaient alignées, toutes les conditions semblaient réunies pour faire décoller sa candidature. La crise des migrants a donné du crédit à son discours sur l’invasion migratoire ; les attentats meurtriers qui ont ensanglanté la France entre 2015 et 2016 ont apporté de l’eau au moulin de son islamophobie, la divine surprise du Brexit anglais a validé son euroscepticisme, et l’élection inattendue de Donald Trump a suggéré la possibilité d’une victoire de l’antisystème sur l’establishment.

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La présidente du FN a fait une mauvaise campagne et n’a pas été à son avantage dans les débats. Sa singularité antisystème est en voie de banalisation. Les affaires ont moins percuté son image que celle de François Fillon, mais elles ont pesé sur sa campagne. Enfin, l’irruption de Jean-Luc Mélenchon, dans la dernière ligne droite, lui a porté préjudice.

De l’optimisme et de la chance

Emmanuel Macron, qui était un illustre inconnu au début du quinquennat de François Hollande, a réussi son pari fou. Du haut de ses 24,01%, l’énarque au physique de jeune premier qui ne s’était jamais frotté au suffrage universel a dynamité la vie politique française. Il a relégué les deux grands partis de gouvernement qu’étaient le Parti socialiste et le parti Les Républicains au rayon des antiquités. Les deux sont éliminés, et le PS a vécu une déroute absolue, avec à peine plus de 6% des voix.

Macron n’a pas volé sa victoire, il a su prendre des risques.

Sauf accident industriel, le candidat d’En Marche ! sera le prochain président de la République française. À 39 ans, la performance serait inédite. Macron n’a pas volé sa victoire. Sa stratégie était la bonne, ses intuitions sur l’épuisement du système des partis et l’obsolescence du clivage droite / gauche se sont révélées justes. Il a su prendre des risques, en claquant la porte du gouvernement, en démissionnant de la fonction publique et en s’endettant personnellement pour financer son mouvement. Il a séduit et exploité au mieux ses atouts majeurs, sa jeunesse et son dynamisme. Il a résolument placé sa candidature sous le signe de l’optimisme : il était le seul dans ce cas, et paradoxalement, cette orientation a payé alors que son pays, la France, se morfond dans la déprime.

Enfin, et ce n’est pas la moindre de ses qualités, Emmanuel Macron a eu de la chance. Une chance insolente. Tous les obstacles qui auraient pu se dresser sur sa route ont été emportés : François Hollande s’est auto-éliminé, Alain Juppé, à droite, et Manuel Valls, à gauche, ont été « dégagés » par les électeurs de leurs primaires respectives, et François Fillon a explosé en vol après les révélations sur l’emploi de son épouse Pénélope comme attachée parlementaire.

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Un socle fragile

Pourtant, Macron est loin d’avoir dissipé toutes les interrogations qui courent à son sujet. Et il peine toujours à convaincre. Jérôme Fourquet, le directeur des études de l’Ifop, qui n’est pas le plus mauvais des sondeurs, explique qu’un électeur sur deux du candidat d’ « En Marche ! » l’a choisi dans un réflexe de « vote utile ». Cela signifie qu’à ce jour, le socle des macronistes convaincus ne dépasse pas les 12%. On a connu des assises politiques plus robustes.

Emmanuel Macron a du talent et de la chance, mais cela suffit-il à forger un destin ?

Pourquoi cette dissonance ? Le trouble provient du sentiment de décalage entre la performance politique du candidat – qui est éblouissante – et la relative banalité de son personnage. La performance de Macron est objectivement éblouissante, surtout dans un pays aussi politiquement cadenassé que la France de la Ve République. Il faut sans doute remonter, toutes proportions gardées, à Napoléon (Bonaparte), pour trouver un exemple de conquête du pouvoir suprême aussi météorique.

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Mais le personnage de Macron est finalement assez banal. Il a du talent et de la chance, c’est indiscutable, mais cela suffit-il à forger un destin ? Le souffle romanesque manque à cette épopée. Macron n’est pas à la hauteur d’un De Gaulle (mais qui pourrait l’être ?). Il n’inspire ni la même fascination, ni la même détestation que pouvait exercer un grand fauve de la politique comme François Mitterrand. Il manque pour l’instant d’épaisseur, de densité, les débats l’ont cruellement montré. Macron inspire la curiosité, l’intérêt, la sympathie, souvent. C’est un bon produit. Mais il ne fascine pas. Il a maintenant quinze jours pour convaincre qu’il ne doit pas d’abord sa victoire à un extraordinaire concours de circonstances…

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