Maroc : l’album de famille de l’Istiqlal

Plus que jamais déchiré à cause de Hamid Chabat, le parti historique se prépare à tenir son congrès fin mars. Un rendez-vous où se jouera l’avenir des grandes familles qui tiennent le parti d’une main de fer depuis sa création.

Le leader de l’Istiqlal, Allal El Fassi à la conférence de Tanger, qui a réuni les trois principaux partis maghrébins (le FLN algérien, le Néo Dostour tunisien et l’Istiqlal marocain), en avril 1958. © Archive JA

Le leader de l’Istiqlal, Allal El Fassi à la conférence de Tanger, qui a réuni les trois principaux partis maghrébins (le FLN algérien, le Néo Dostour tunisien et l’Istiqlal marocain), en avril 1958. © Archive JA

ProfilAuteur_NadiaLamlili CRETOIS Jules

Publié le 23 mars 2017 Lecture : 3 minutes.

L’Istiqlal a longtemps été surnommé le « parti des Fassis ». Et pour cause. Les grandes familles issues de l’élite urbaine de la ville de Fès règnent depuis toujours sur ce parti marocain – le plus vieux, dit-on souvent – conservateur et nationaliste, emblématique de la lutte pour l’indépendance mais aussi d’une vie politique remise aux mains d’une portion congrue de la population, un parti de notables qui dirigent en famille. Le choix pour la direction du parti né en 1943 s’est toujours fait dans l’unité, le calme, entre bourgeois jouissant de capitaux sociaux, économiques, politiques et symboliques.

Le séisme Chabat

la suite après cette publicité

En 2012, un syndicaliste fort en gueule, charismatique, moustachu, qui a commencé sa vie professionnelle comme technicien spécialisé dans une usine de moteurs électriques, réalise l’impensable : il emporte la direction du parti contre Abdelouahed El Fassi. Ce dernier est membre du clan qui dirige le parti depuis des décennies. C’est un cardiologue, fils d’Allal El Fassi, figure de l’indépendance et idéologue du parti, lié à Abbas El Fassi, chef du gouvernement entre 2007 et 2011. Le parti est déboussolé.

Hamid Chabat ne partait pas sans une certaine légitimité : actif dans le syndicalisme, il arrachait un siège de député en 1997, ravissait le poste de maire de Fès en 2003, grimpait à la tête de la puissante Union générale des travailleurs du Maroc (UGTM) − à la faveur d’un quasi putsch − en 2009. Mais l’homme est démagogique. Il insulte, il vitupère, il accuse et accumule les scandales et les soupçons et en 2013, claque la porte du gouvernement plongeant le pays dans la crise politique.

L’élite bon teint l’exècre mais Chabat est peu ou prou un des seuls à pouvoir affronter l’islamiste Abdelilah Benkirane.

la suite après cette publicité

Depuis son élection, la maison Istiqlal découvre les joies et les travers de la démocratie. Un scénario qu’on croirait tout droit sorti de la série Game of Thrones. Mais Chabat n’a pas seulement brisé l’hégémonie d’un groupe sur le parti. Il a aussi changé le rôle de ce dernier. Jusqu’ici, l’Istiqlal était un allié objectif et sans failles du Palais. Les sorties tonitruantes de Hamid Chabat, ses casseroles et ses récentes critiques à l’endroit d’un conseiller royal, Taïeb Fassi-Fihri, lié familialement à des barons de l’Istiqlal, ont petit à petit placé le parti dans un rôle qu’on ne lui connaissait pas de parti poil-à-gratter.

C’est dans cette configuration inédite que le parti doit tenir un congrès, annoncé pour le 29 mars. « Nous devions le tenir le 24, mais des raisons techniques et logistiques nous ont obligé à l’ajourner », nous explique Noureddine Mediane, membre du parti et parlementaire.

la suite après cette publicité

La revanche des familles

Face à Chabat, un challenger potentiel : Nizar Baraka. Ce dernier peut être identifié comme appartenant aux « vieilles familles » istiqlaliennes. Il n’est d’ailleurs rien d’autre que le gendre d’Abbas El Fassi, dont il a été le bras droit au gouvernement et le ministre délégué chargé des Affaires économiques et générales.

Chabat n’avait pas hésité à enfiler sa casquette de syndicaliste en 2012, alors que Baraka était ministre de l’Économie et des Finances, pour mieux le disqualifier auprès des bases du parti à l’orée des élections internes du parti.

Baraka n’a pas encore officialisé sa candidature mais son entourage ne fait pas de secret sur sa volonté de se présenter. Petit hic : tout candidat doit, a priori, être membre du comité exécutif, ce qui n’est pas le cas de Baraka. Le genre de soucis dont la maison Istiqlal ne se souciait pas. Mais l’époque a changé.

« Nous allons vérifier les statuts du parti, mais rien ne devrait s’opposer à la candidature de qui que ce soit », assure Mediane. Qui ajoute : « Je ne peux pas en dire beaucoup plus pour le moment, nous ne savons pas encore exactement qui se présente. » Les élections istiqlaliennes ont changé, à l’image des élections marocaines en général. Désormais, l’imprévu existe.

La Matinale.

Chaque matin, recevez les 10 informations clés de l’actualité africaine.

Image

La rédaction vous recommande

M6 et le « parti du roi »

Contenus partenaires