Tunisie : le nécessaire espoir

La Tunisie est « en état d’urgence économique », un qualificatif alarmant repris dans la loi dite de « relance économique ». Le contexte sécuritaire, depuis les attentats terroristes, a permis ce glissement sémantique, et la situation économique s’y prête également.

L’horloge de la place « 14-Janvier 2011 », à Tunis. © Eastmanenator/Wikimedia Commons

L’horloge de la place « 14-Janvier 2011 », à Tunis. © Eastmanenator/Wikimedia Commons

Mariem Brahim
  • Mariem Brahim

    Chargée d’études économiques à l’Institut de prospective économique du monde méditerranéen (IPEMED). L’auteur propose une analyse de la situation macroéconomique de la Tunisie.

Publié le 22 mars 2017 Lecture : 3 minutes.

Déficit public, taux de croissance, balance commerciale, une dette publique ayant plus que doublé en cinq ans… tous les indicateurs vont dans le sens d’une dégradation ne sachant s’arrêter. Les mesures déjà prises n’ont rien changé, et la situation ne semble pas s’améliorer. Mais quelques signent positifs se manifestent malgré tout.

Le taux de croissance résume à lui seul les difficultés du moment. Il n’a pas, selon l’Institut National de la Statistique (INS), dépassé en 2016 les 1%, alors que le pays a dû faire face à la venue de plus de 1,5 million de réfugiés libyens. Et si, durant les deux premiers mois de 2017, les exportations ont augmenté de 4,7%, les importations ont parallèlement grimpé de 23,7%, passant de 5,769 milliards de dinars (2,3 milliard d’euros) un an plus tôt à 7,137 milliards de dinars.

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Les exportations dues à l’agriculture et l’agro-alimentaire ont enregistré, grâce aux dattes (127,5 contre 72,4 millions de dinars tunisiens [MDT]), une forte augmentation de 17,4%, comme celles des industries mécaniques (7,5%), du textile-habillement-cuir (7,1%), et des industries manufacturières (3,8%).

En revanche, dans le secteur de l’énergie, l’effondrement est important (- 39,4%), à cause de la diminution des ventes de pétrole brut : 69,8 MDT en 2017 contre 149,6 MDT en 2016.  À ce tassement de l’export, s’est donc jointe une envolée des importations énergétiques (+ 135,2%), suite à la hausse des achats de pétrole brut et de produits raffinés. Par ailleurs, l’INS signale que les importations hors énergie ont, elles aussi, augmenté de 15,7%, notamment pour les secteurs agricole et alimentaire, l’achat de blé tendre ayant largement pesé (98,9 MDT contre 21,9 MDT).

L’insistance de certains pour réclamer des mesures de sauvegarde.

De tels écarts ne sont pas sans poser des difficultés en Tunisie. Du côté des industriels, certains chefs d’entreprise, notamment ceux qui produisent des vêtements ou des chaussures, dénoncent une concurrence déloyale. Et, dans l’agro-alimentaire, les produits turcs sont particulièrement dénoncés. D’où l’insistance de certains pour réclamer des mesures de sauvegarde convenues dans l’Accord général sur les tarifs douaniers et le commerce (GATT) : réduction imposée des quantités importées, élévation des droits au-delà des taux consolidés, etc.

Au total, le déficit commercial s’est aggravé. Il a même doublé : 2,510 milliards de dinars contre 1,350 milliards durant la même période en 2016.

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Témoigne aussi de cette déliquescence la baisse globale de 9,4% des investissements étrangers au cours de l’année 2016 (2,145 milliards de dinars), comme l’a annoncé l’Agence de Promotion de l’Investissement Extérieur (FIPA-Tunisia). Certes, l’industrie a engrangé 794,5 MDT, soit une hausse de 40,4%, mais le secteur de l’énergie, le plus attractif pour les investisseurs étrangers, s’est tassé de 1% avec seulement 960,3 MDT. De la même manière, les IDE dans l’agriculture ont fait un bond de 123,4%, mais le montant en est très faible : 20,8 MDT. En revanche, au niveau des services, la chute a été de 33,2%, les montants se limitant à 281,7 MDT.

Enfin, suite à la révolution de 2010 et, particulièrement, depuis les attentats terroristes du Bardo, de Sousse et de Tunis, le tourisme a subi une chute brutale. Durant les années 2015 et 2016, la moitié de la clientèle européenne a déserté les plages tunisiennes. Or, l’activité touristique engendrait 7% du PIB et procurait plus de 80 000 emplois directs et plus de 400 000 indirects. La dépréciation du dinar participe aussi de ce marasme qui perdure.

Un nouveau regard, porté de l’étranger, riche de promesses.

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Aussi sombre que paraisse ce tableau d’ensemble, quelques signaux positifs percent. Précisément du côté du tourisme : en janvier 2017, il y a eu un accroissement de 10,5% des entrées sur le territoire. Certes, il s’agit surtout d’Algériens (98 000) et de Libyens (80 696), une clientèle délaissant en grande partie les hôtels, mais les touristes européens (39 462) ont représenté 12,6 % des entrées enregistrées, avec notamment 29% de Français supplémentaires (20 250).

D’autre part, selon le rapport Bloomberg Innovation Index 2017, la Tunisie occupe la première place en Afrique dans le classement mondial des pays innovants. Un classement dont les critères dessinent quelques espérances : recherche et développement, valeur ajoutée manufacturière, productivité, haute technologie, efficacité du secteur tertiaire, concentration de chercheurs et activité de brevetage.

Enfin, pour ce qui concerne la corruption, ou plus exactement sa perception, selon le récent rapport de Transparency International, le pays a été classé en 75e position sur un total de 176 pays, c’est-à-dire loin devant le Maroc (90e), l’Égypte (108e) ou la Libye (170e). Cela peut faire naître un nouveau regard, porté de l’étranger, riche de promesses.

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