Fespaco : « Il faut une nouvelle vague au cinéma ivoirien »

Coup de projecteur sur le cinéma ivoirien : la Côte d’Ivoire sera le pays invité d’honneur de la 25e édition du Festival panafricain de cinéma de Ouagadougou (Fespaco), qui se déroulera du 25 février au 4 mars dans la capitale burkinabè.

Idriss Diabaté, réalisateur ivoirien. © Valérie Faugeras

Idriss Diabaté, réalisateur ivoirien. © Valérie Faugeras

Publié le 22 février 2017 Lecture : 3 minutes.

À quelques jours de l’ouverture du festival, Idriss Diabaté, réalisateur et professeur de cinéma à l’Institut national des arts et de l’action culturelle (Insaac) d’Abidjan livre un état des lieux du cinéma ivoirien et adresse quelques critiques au Fespaco. Interview.

Jeune Afrique : Que peut-on dire de la production cinématographique en Côte d’Ivoire ?

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Idriss Diabaté : Elle est embryonnaire et essentiellement pilotée par le secteur privé, qui est plutôt intéressé par les séries, car elles sont plus faciles et moins coûteuses à produire.

Pour ce qui est du secteur public, il existe l’Office national du cinéma de Côte d’Ivoire (Onac-CI), censé assister les réalisateurs. Mais cette structure ne dispose pas de moyens suffisants.

Le manque de financement est donc la première entrave au développement du cinéma en Côte d’Ivoire ?

Non. La première difficulté, c’est d’abord le manque de diffuseurs, qu’il s’agisse de la télévision comme des salles de cinéma. Cette absence fait qu’il est difficile de financer une production. C’est d’ailleurs tout le drame du cinéma africain de manière générale.

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Cela n’empêche pourtant pas certains jeunes de se lancer dans la création de films….

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Il existe une nouvelle génération de cinéastes en Côte d’Ivoire, qui mène un combat salutaire. Avant, la production était bloquée car nous nous étions habitués à attendre que l’État nous donne de l’argent. Mais aujourd’hui, ces jeunes n’attendent plus après l’État. Leur investissement dans le cinéma est rare dans la sous-région, c’est une force pour la Côte d’Ivoire.

Ils produisent avec les moyens du bord. La technologie actuelle met le cinéma à leur portée : avec un ordinateur et une caméra, il est possible de faire un film et d’en assurer le montage.

Il faut une nouvelle vague au cinéma ivoirien.

Mais leur défi sera de trouver une méthode de production et de ne pas copier celle des Occidentaux qui coûte trop cher. Il serait bon qu’ils s’inspirent de la Nouvelle Vague en France. Ce courant avait été mené par des jeunes cinéastes qui se fichaient des grandes productions et avaient réussi à évacuer la lourdeur des grands studios. Résultat, ils ont influencé la façon de faire du cinéma dans le monde.

Il faut une nouvelle vague au cinéma ivoirien. Nous devons trouver un modèle et devenir autonomes, car le cinéma est avant tout une question de liberté.

Le Fespaco est censé être une vitrine du cinéma africain. Mais comment expliquer que peu de films primés lors de ce festival parviennent à percer ?

Certains films ne sortent même pas en salle, c’est un drame ! Le Fespaco ne permet pas encore de propulser un film. Dans les années 70, ceux qui ont initié le Fespaco, c’est à dire le Sénégalais Ousmane Sembène, l’Ivoirien Timité Bassolé ou encore Jean Rouch, voulaient que les films soient projetés dans les quartiers pour que le public participe. Mais cette idée a plus ou moins été trahie : le public reste à l’écart du festival et ne s’identifie pas aux films.

Le public reste à l’écart du festival et ne s’identifie pas aux films.

Le mode de sélection peut aussi expliquer le problème. Le délégué général du Fespaco est un fonctionnaire, il est choisi par le conseil des ministres. Tout cela fait que le Fespaco est en quelque sorte une institution bureaucratique, dont la sélection est aussi politique.

Il y a deux ans, j’ai fait un documentaire sur la crise en Côte d’Ivoire intitulé Ivoire clair. Je l’ai envoyé à Ouaga, mais on m’a répondu que nous étions en période de réconciliation, et que ce film pouvait difficilement être retenu.

Vous critiquez sévèrement le festival…

Ce festival est incontournable aujourd’hui, il est utile. Mais il faut l’adapter et ne pas être complaisant.

On ne peut pas abandonner une si belle idée : il faut trouver une autre formule pour que ce bel outil favorise le cinéma africain.

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