Malick Noël Seck, le trublion sénégalais qui pourfend l’OIF

Plusieurs fois incarcéré sous Abdoulaye Wade, l’ancien militant socialiste Malick Noël Seck, au verbe radical et à la geste provocatrice, est l’initiateur d’un contre-sommet de la Francophonie à Dakar, les 28 et 29 novembre.

Malick Noël Seck a passé une partie de son enfance en France. © DR

Malick Noël Seck a passé une partie de son enfance en France. © DR

Publié le 28 novembre 2014 Lecture : 4 minutes.

"Quelle est donc cette institution qui prône la promotion de la langue française et qui, parallèlement, valide l’élection de monstres à la solde de l’Élysée et Matignon ?" Pour Malick Noël Seck, fondateur en 2013 du Front national de salut public-Mom sa Rew, l’Organisation internationale de la Francophonie (OIF) serait une institution "néocoloniale" qui pérennise la soumission de l’Afrique aux intérêts occidentaux, en particulier français. "Les indépendances n’ont pas été conquises mais octroyées, notre souveraineté est factice", tonne le quadragénaire, qui organise à Dakar, les 28 et 29 novembre, un contre-sommet de la Francophonie avec une poignée de partis politiques et de mouvements de la société civile.

Lorsqu’on lui demande néanmoins si les accents anti-colonialistes de sa diatribe anti-OIF ne seraient pas un peu datés, exonérant l’Afrique de ses propres responsabilités au profit d’une diabolisation à sens unique de l’ancienne puissance coloniale, Malick Noël Seck se veut lucide : "La responsabilité de la situation dans laquelle nous nous trouvons nous incombe", répond-il.

À 25 ans, plongeur chez Pizza-Hut, il est convaincu qu’en France "Il n’y a rien pour nous".

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La France, cet acteur turbulent de la scène politique sénégalaise y a passé une partie de sa jeunesse, aux côté de son père, fonctionnaire à l’Unesco. Apres avoir intégré une école de commerce qu’il quittera avant d’obtenir son diplôme, il doit se contenter de petits boulots. À 25 ans, plongeur chez Pizza-Hut, il est convaincu que "dans ce pays-là, il n’y a rien pour nous". Malick Noël Seck s’offre alors un aller simple pour le Sénégal.

"J’ai pris une claque"

Depuis lors, il n’est pas retourné dans l’Hexagone. "Dès l’aéroport de Dakar, j’ai pris une claque, témoigne l’intéressé. Ces mendiants, cette impression de chaos… J’ai voulu comprendre pourquoi nous étions pauvres." Pendant plusieurs années, il cherche des réponses dans les ouvrages de Frantz Fanon, Stanislas Adotevi, Albert Londres ou Eric Deroo. En 2005, un ami d’enfance, Barthélémy Dias, lui propose de se lancer avec lui en politique. Seck n’est pas très emballé : "Pour moi les politiques étaient responsables de la situation, je ne leur faisais pas confiance."

Entre 2008 et 2012, l’activisme de Malick Noël Seck contre le régime Wade lui coûtera trois passages en prison.

Le déclic vient d’un livre publié la même année par le journaliste Abdoulatif Coulibaly. Dans "Un meurtre sur commande", celui-ci accusait le président Abdoulaye Wade d’être le commanditaire de l’assassinat, en 1993, du président du Conseil constitutionnel, Me Babacar Seye. Malick Noël Seck est indigné : "C’est ce qui m’a décidé à entrer en politique afin de combattre Wade", résume-t-il. Avec Barthélémy Dias, il crée le mouvement Convergences socialistes : "Comme nous étions de gauche et que le Parti socialiste était le mieux placé pour faire tomber Wade, nous nous sommes affiliés."

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À l’époque, le PS est dans le creux de la vague. Ousmane Tanor Dieng, le secrétaire général, accueille donc sans chipoter ces jeunes Sénégalais déterminés à muscler l’opposition. Entre 2008 et 2012, l’activisme de Malick Noël Seck contre le régime Wade lui coûtera trois passages en prison, dont l’un dans un cul de basse fosse de Tambacounda, au Sénégal oriental. Lors d’un procès en appel, à la veille de l’élection présidentielle de 2012, pas moins de dix-sept avocats se constituent pour le défendre, parmi lesquels des ténors du barreau comme Aissata Tall Sall, Alioune Badara Cissé ou El Hadji Diouf. À sa sortie, l’obscur militant est devenu un symbole. "Tous les Sénégalais me connaissaient désormais. Le PS m’a donc poussé en avant pour faire une tournée à travers le pays afin de mobiliser les populations contre Wade."

>> Lire aussi l’interview de Malick Noël Seck : "Je n’ai jamais demandé la grâce présidentielle"

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Renaissance…. hors du PS

Au lendemain de la victoire de Macky Sall, c’est dans son propre camp que Malick Noël Seck provoque des grincements de dents. Soucieux de voir un renouvellement s’opérer dans les instances du PS, il défie Ousmane Tanor Dieng, l’inamovible secrétaire général, en lui rappelant sa promesse de passer le relais à la tête du parti. En octobre 2012, il est exclu du PS sans même un conseil de discipline. "Ce fut une renaissance, témoigne-t-il. Je me retrouvais libre de lutter contre les vrais problèmes."

Dans un paysage politique où, selon lui, "l’opposition est au pouvoir et la société civile au Palais", Malick Noël Seck peine toutefois à faire entendre ses critiques au vitriol au milieu du consensus ambiant. Avec le sommet de l’OIF, il s’est trouvé un porte-voix.

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Mehdi Ba, à Dakar

Contre-sommet restreint

Suite à l’interdiction, notifiée jeudi par la préfecture, de la marche et du concert prévus le 29 novembre, le contre-sommet de la Francophonie se limitera finalement à une conférence du Groupe Refondation sur les "Martyrs de 1944" (salle de soutenance de la FLSH/UCAD, le 28/11 à 15 h GMT) et à un colloque sur le thème "Francité, Francophonie et Identités nationales" (UCAD II, le 29/11 à 9h).

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