Finances publiques : la société civile peut-elle faire plier les États ? L’exemple du Nigeria

Le Nigeria, pays membre du Partenariat pour un gouvernement ouvert (POG), dont le quatrième sommet mondial se clôture vendredi 9 décembre à Paris, s’est engagé à améliorer la transparence dans la gestion de ses affaires publiques. Si l’action de la société civile a permis la diffusion d’informations relatives aux deniers publics, les efforts restent insuffisants.

Le président Muhammadu Buhari salue ses militants le 29 mai 2015. © Sunday Alamba/AP/SIPA

Le président Muhammadu Buhari salue ses militants le 29 mai 2015. © Sunday Alamba/AP/SIPA

Publié le 9 décembre 2016 Lecture : 2 minutes.

La plateforme BudgiT, lancée en 2011, détaille – avec des infographies très visuelles et pédagogiques à l’appui – la dette extérieure du pays, le budget du ministère de l’Éducation, ou encore celui de la Santé. En juillet 2014, l’équipe de BudgiT a également mis en service Tracka, une plateforme de partage sur laquelle les Nigérians de 17 états fédéraux sur 34 peuvent réclamer des comptes sur les budgets de leurs localités, et surveiller l’évolution des projets d’infrastructures et d’aménagements comme les routes, les hôpitaux ou encore les écoles.

Cette mobilisation a permis, selon les fondateurs du site, qu’un centre de soins voie le jour dans l’État du Delta ou qu’un nouvel établissement scolaire puisse accueillir des élèves dans l’État d’Ogun.

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Données limitées 

Bien que l’initiative soit encourageante, elle est toutefois incomplète, note le chercheur Marc-Antoine Pérouse de Montclos, spécialiste du Nigeria. « Il faudrait que les États publient leur budget. où le bât blesse, c’est qu’on ignore comment l’argent est dépensé. On publie ce que verse la Banque centrale, mais il n’y a aucune donnée sur les montants du « security vote », une caisse noire légale utilisée par les gouverneurs des États ».

Officiellement, le gouvernement justifie l’usage de cette caisse noire par l’état d’urgence en vigueur dans le pays et la menace de Boko Haram ou des Vengeurs du Delta du Niger. Mais dans les faits, cet argent « sert à financer les milices ou l’achat d’opposants politiques », détaille le chercheur.

Élu en 2015, le président Buhari s’est pourtant engagé publiquement à lutter contre la corruption. « Il y a une volonté d’améliorer l’image du pays à l’international », observe Pauline Carmona, secrétaire générale du sommet mondial du Partenariat pour un Gouvernement Ouvert, dont le Nigeria est officiellement membre depuis mai.

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Ce mouvement pour « plus de transparence » avait toutefois déjà été amorcé, avec l’autorisation de communiquer les données sur les industries extractives sous la présidence de Olusegun Obasanjo. « Il s’est poursuivi avec la ministre des Finances sous la présidence de Goodluck Jonathan, prenant l’initiative d’autoriser la publication dans la presse de données sur les montants alloués par la Banque centrale aux 36 États fédérés », rappelle Marc-Antoine Pérouse de Montclos.

Investigation indispensable 

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Néanmoins, si la publication des données publiques permet d’améliorer la transparence d’un État – au Nigeria comme dans d’autres pays d’Afrique subsaharienne – celle-ci reste insuffisante. D’abord parce que ces informations brutes sont – le plus souvent – incompréhensibles du grand public, et ensuite parce qu’elles requièrent une médiation pour les rendre accessibles à tous. « Il ne suffit pas de mettre l’information à disposition des gens pour qu’ils s’en saisissent », ont d’ailleurs insisté plusieurs intervenants lors d’une table ronde consacrée aux « innovations dans la transparence budgétaire des pays francophones » au sommet mondial du POG.

Au Nigeria, les documents publiés par l’Initiative mondiale pour la transparence dans les industries extractives (EITI) en sont la démonstration. Marc-Antoine Pérouse de Montclos les juge « illisibles ». La transparence ne peut se faire « au détriment de l’investigation », rappelle-t-il. « C’est le rôle des chercheurs et des journalistes de fouiller dans ces données ».

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