Gambie : le jour où Yahya Jammeh a quitté le pouvoir

Au pouvoir depuis 1994, le président gambien tant redouté de ses compatriotes a perdu l’élection présidentielle face à Adama Barrow et immédiatement reconnu sa défaite. Un dénouement inattendu qui ouvre une nouvelle page dans l’histoire de la Gambie.

Dernier meeting de l’ancien chef de l’État Yahya Jammeh, à Banjul, le 29 novembre 2016. © BANGALY TOURE POUR JA

Dernier meeting de l’ancien chef de l’État Yahya Jammeh, à Banjul, le 29 novembre 2016. © BANGALY TOURE POUR JA

BENJAMIN-ROGER-2024

Publié le 3 décembre 2016 Lecture : 3 minutes.

Les Gambiens s’étaient réveillés des doutes plein la tête. Ils se sont couchés en faisant la fête, heureux, fiers, et libres. Nul doute que beaucoup se souviendront longtemps de ce vendredi 2 décembre 2016. Un jour historique, qui a tiré le rideau sur vingt-deux années d’un régime autoritaire avec lequel une majorité d’entre eux souhaitait en finir. Et qui marquait, comme tous le répétait en boucle, le début d’une « nouvelle Gambie ».

Dès l’annonce des résultats de la présidentielle de la veille, donnant Adama Barrow, le candidat de l’opposition, vainqueur de ce duel à l’issue incertaine face à Yahya Jammeh, ils ont laissé exploser leur joie et leur soulagement. En début d’après-midi, des milliers d’entre eux sont descendus dans les rues de Banjul pour célébrer le départ sans heurts du « big man », ce président tant redouté dont certains avaient peur, il y a seulement quelques semaines, de prononcer le nom en public.

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« Nous sommes enfin en démocratie, fini la dictature ! »

Hommes, femmes, et enfants ont rapidement convergé sur l’avenue Kairaba, une des principales artères de la capitale. Jamais, en plus de deux décennies, ils n’avaient connu une telle effervescence populaire. Un renouveau politique et démocratique dans un concert de klaxons et de chants, que beaucoup avaient encore du mal à réaliser.

« C’est comme dans un rêve. Nous sommes libres. Je ne pensais pas que ce jour pourrait arriver », explique Lamine, la vingtaine, qui n’a connu que Jammeh comme président. Même émotion pour Oussainou, qui se disait pourtant convaincu de la victoire de l’opposition. « C’est incroyable. Nous n’avons jamais marché librement comme ça. Nous sommes enfin en démocratie, fini la dictature ! », s’exclamait-il, drapeau gambien autour du cou.

Scènes de liesse dans les rues de Banjul, le 2 décembre 2016, après l'annonce de la défaite de Yahya Jammeh à la présidentielle. © Benjamin Roger/Jeune Afrique

Scènes de liesse dans les rues de Banjul, le 2 décembre 2016, après l'annonce de la défaite de Yahya Jammeh à la présidentielle. © Benjamin Roger/Jeune Afrique

L’apparition du nouveau président élu, debout dans son 4×4, a ensuite déclenché la ferveur de la foule. Sous les cris de « Merci M. le Président », Adama Barrow, 51 ans, inconnu du grand public avant d’être nommé candidat unique de la coalition de l’opposition, ne cachait pas sa satisfaction après sa victoire, dont il a toujours affirmé ne jamais douter.

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L’appel de Jammeh à Barrow retransmis à la télévision nationale

Peu après 20h, l’allocution de Yahya Jammeh à la télévision nationale a définitivement confirmé le résultat de cette élection historique. Vêtu de son traditionnel boubou blanc, celui qui était jusqu’alors le maître incontesté et craint de la Gambie a solennellement reconnu sa défaite et félicité son rival. Une posture que personne, ou presque, n’avait envisagé.

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« Même si mon opposant l’avait emporté avec un vote d’avance, j’aurais accepté le résultat du scrutin. Je saisis cette occasion pour féliciter M. Adama Barrow pour sa victoire très nette. Je lui souhaite le meilleur et je souhaite le meilleur à tous les Gambiens », a déclaré Jammeh.

S’en est suivi une scène surréaliste : l’appel de félicitations du président sortant à son successeur, aussi retransmis à la télévision. « Le pays sera entre vos mains en janvier et je vous propose mon aide pour la transition, mais vous devez travailler avec moi, le temps que je déménage et que je vous laisse la présidence ». Réponse de Barrow : « Je vous remercie pour tout le travail réalisé pendant 22 ans. Si vous pouvez me donner des conseils, je viendrai vous consulter ». « Merci, mais je vais m’occuper de ma ferme à Kanilaï (son village natal, NDLR) », lui répond Jammeh en souriant.

Un échange improbable, à l’image de cette journée folle.

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