Quelle politique africaine pour François Fillon, candidat de la droite à la présidentielle de 2017 ?

Vainqueur ce dimanche de la primaire de la droite et du centre face à Alain Juppé, François Fillon fait désormais partie des favoris à l’élection présidentielle française de 2017. S’il venait à l’emporter, quelles seraient les grandes lignes de sa politique africaine ? Éléments de réponse.

François Fillon après l’annonce officielle des résultats de la primaire de droite, dimanche 27 novembre 2016, à Paris. © Thibault Camus/AP/SIPA

François Fillon après l’annonce officielle des résultats de la primaire de droite, dimanche 27 novembre 2016, à Paris. © Thibault Camus/AP/SIPA

Publié le 28 novembre 2016 Lecture : 5 minutes.

Pendant cinq années, il n’aura été que le « collaborateur » zélé et efficace de Nicolas Sarkozy, qui avait employé cette expression devant des journalistes pour désigner son Premier ministre. Mais aujourd’hui, François Fillon, chef du gouvernement français de 2007 à 2012, est sur le point de prendre une revanche éclatante.

Après son triomphe à la primaire de la droite, dont il est sorti en tête avec 44,2% des suffrages au premier tour avant de s’imposer face à Alain Juppé avec 69,5% des suffrages dimanche 27 novembre, ce représentant de la droite traditionnelle, libérale économiquement mais conservatrice socialement, semble bien placé pour investir l’Élysée en mai 2017. L’occasion de se pencher sur le passé africain de François Fillon, pour mieux entrevoir ce que pourraient devenir les relations entre Paris et le continent s’il venait à l’emporter.

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Un discours déculpabilisé sur le passé colonial

Au pouvoir ou dans l’opposition, François Fillon n’a jamais eu « le goût de la repentance ». Ces mots, ce sont les siens, et ils caractérisent bien la position de l’ancien homme d’État vis-à-vis du passé français en Afrique. Lorsqu’il était Premier ministre, le Sarthois s’est rendu à de nombreuses occasions sur le continent, de Yaoundé à Abidjan en passant par Libreville.

Et la plupart du temps, il a tenu la même ligne : celle d’un État français qui assume les erreurs commises par le passé, sans se répandre en excuses. Officiellement du moins, car à l’occasion d’une visite à Yaoundé en 2009, François Fillon a suscité la controverse lors d’un discours. Il avait alors qualifié la guerre qui avait opposé entre 1955 et 1962 les indépendantistes de l’Union des Populations du Cameroun (UPC) au pouvoir colonial français de « pure invention », insistant sur la non-participation des troupes françaises aux assassinats dénoncés depuis.

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Au cours de ce même voyage au Cameroun et au Nigeria, le Premier ministre d’alors avait affiché un soutien sans faille au fameux discours de Dakar de Nicolas Sarkozy, affirmant que celui-ci avait été « mal lu » et qu’il proposait en fait une relation « d’égal à égal » entre la France et l’Afrique.

Par la suite, c’est en tant qu’opposant que François Fillon s’est exprimé sur le continent africain. En conservant le même cap rhétorique, comme en atteste sa réaction à la reconnaissance officielle du massacre du 17 octobre 1961 [au moins une centaine de militants et sympathisants du FLN manifestant à Paris avaient été tués par les forces de l’ordre, ndlr] par François Hollande en 2012 :  « J’en ai assez que, tous les quinze jours, la France se découvre une nouvelle responsabilité et mette en avant sa culpabilité permanente», avait-il déclaré.

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« Partage de culture »

Même son de cloche en août dernier, alors qu’Ali Bongo et Jean Ping s’écharpaient lors d’un scrutin présidentiel très contesté au Gabon. « La repentance ne sert à rien », avait-il alors rétorqué sur Franceinfo, alors qu’il était interrogé sur le soutien sans faille du gouvernement français au clan Bongo depuis 1967.

La machine à polémique s’était déjà emballée quelques jours plus tôt, lorsque le tout frais candidat à la primaire de la droite François Fillon dévoilait sa vision du passé colonial français dans son discours de rentrée, le 28 août 2016. Le député y développe une conception de l’Histoire particulière : « Il faut que les maîtres ne soient plus obligés d’apprendre aux enfants à comprendre que le passé est source d’interrogations », clame-t-il.

En ajoutant que « la France n’est pas coupable d’avoir voulu faire partager sa culture aux peuples d’Afrique, d’Asie et d’Amérique du nord. »

Terminée, la « Françafrique »

À l’inverse, François Fillon s’est érigé, à la manière de son Président de l’époque, Nicolas Sarkozy, en pourfendeur d’une Françafrique d’un autre temps. Un temps révolu à ses yeux, puisque François Fillon s’est toujours efforcé de prôner une relation « d’égal à égal » avec les chefs d’États africains.

« Nous voulons nous débarrasser des scories du passé », avait-il asséné à Yaoundé, appelant de ses vœux une dynamique de « codécision » entre les pays africains et la France. « La ‘Françafrique’, c’est bien fini », voilà le message porté pendant cinq ans par le locataire de Matignon.

Un discours qu’il maintient depuis, comme lors d’une visite officielle à Dakar en 2013, où il affirmait depuis l’ambassade de France : « Le temps où l’Occident prétendait dominer et éclairer le monde est terminé depuis longtemps. Personne n’a de leçons à donner à l’autre et chacun est utile à l’autre. »

Le président Bongo n’a pas gagné cette élection.

Dans les faits, la réalité est parfois toute autre. En témoigne l’attitude du gouvernement français en 2011, lors de la crise post-électorale en Côte d’Ivoire. A l’époque, François Fillon participe aux négociations avec Ouattara. Et obtient, en échange d’un effacement et d’une restructuration de la dette ivoirienne, de placer le général français Claude Reglat – ancien commandant des forces françaises au Gabon – à la tête de la rénovation de l’armée ivoirienne.

De la même façon,  il n’a pas hésité à critiquer la famille Bongo lors des dernières élections présidentielles au Gabon : « Le sentiment qu’on a en écoutant les observateurs sur le terrain, c’est que le président Bongo n’a pas gagné cette élection », avait-il commenté laconiquement.

Un réseau embryonnaire

S’il venait à diriger la France, François Fillon hériterait d’une situation différente d’un pays à l’autre. Il devrait réchauffer les relations avec le Gabon et Ali Bongo, qui s’est éloigné de la droite française. Même défi au Niger, où Mahamadou Issoufou affiche une plus grande proximité avec les socialistes et  Hollande qu’avec Les Républicains.

Il bénéficierait en revanche d’une plus grande côte de popularité en Guinée-équatoriale, où Teodoro Obiang Nguema Mbasogo s’est dit déçu de Hollande après le feuilleton judiciaire opposant les deux États. « Chez Les Républicains, au moins, nous ne sommes pas dénigrés. Nicolas Sarkozy et François Fillon ont tous deux rendu visite au président, à l’hôtel Bristol, lors de la COP21 de Paris », ajoutait même discrètement un diplomate équato guinéen.

Ni indifférence, ni ingérence disproportionnée.

Durant ces quatre années passées dans l’opposition, François Fillon a continué à entretenir ses réseaux africains, se rendant notamment au Sénégal et en Côte d’Ivoire en 2013.

Pour mener sa politique africaine, François Fillon a longtemps cru pouvoir compter sur l’avocat Robert Bourgi, rallié à sa cause en 2015. Mais le « porteur de valises » de la République l’a abandonné au profit de son héraut de toujours, Nicolas Sarkozy. Aujourd’hui, l’actuel « Monsieur Afrique » de François Fillon n’est autre que Bernard Debré, ancien ministre de la Coopération d’Édouard Balladur et gaulliste pur jus, qui résumait d’ailleurs l’approche africaine de son champion par un slogan évocateur : « Ni indifférence, ni ingérence disproportionnée. » Pas vraiment l’assurance du « renouveau » qu’appelle de ses vœux le candidat Fillon.

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