Maroc : toujours pas de nouveau gouvernement, bientôt la crise politique ?

Six semaines après sa victoire aux législatives au Maroc, le Premier ministre islamiste Abdelilah Benkirane n’est toujours pas parvenu à former une coalition gouvernementale, un feuilleton politico-médiatique qui pourrait tourner bientôt à la crise politique.

Le Chef du gouvernement marocain Abdelilah Benkirane à Salé au Maroc, le 22 octobre 2016. © Fadel Senna/AFP

Le Chef du gouvernement marocain Abdelilah Benkirane à Salé au Maroc, le 22 octobre 2016. © Fadel Senna/AFP

Publié le 20 novembre 2016 Lecture : 3 minutes.

Après la victoire de sa formation, le Parti justice et développement (PJD), M. Benkirane avait été reconduit par le roi à la tête du gouvernement de coalition qu’il dirige depuis cinq ans.

Il mène depuis d’intenses tractations avec les partis représentés au Parlement, à l’exception notable de ses rivaux du Parti authenticité et modernité (PAM), arrivé en deuxième position au scrutin.

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Mais il n’a toujours pas réussi à rassembler les 198 sièges minimum à même de lui assurer un vote de confiance au Parlement, où son parti a décroché 125 députés.

Un milliardaire dans l’arène 

Un personnage inattendu s’est invité dans le débat: le milliardaire et ministre sortant de l’Agriculture, Aziz Akhannouch.

Sans étiquette, M. Akhannouch, l’une des plus grosses fortunes du continent, que l’on voit souvent au côté de Mohammed VI et qui participe à la plupart des tournées diplomatiques royales, a été porté après les législatives à la tête du Rassemblement national des indépendants (RNI), un parti libéral surtout composé de notables et de technocrates.

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Depuis, les négociations semblent bloquées et tournent au bras de fer entre MM. Benkirane et Akhannouch. Plusieurs rencontres n’ont rien donné.

Selon la presse locale, le RNI aurait demandé plusieurs ministères clé, ainsi qu’une place au sein de la future coalition pour son allié, le parti de l’Union constitutionnelle.

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Surtout, il aurait exigé de M. Benkirane qu’il écarte du prochain gouvernement l’Istiqlal, parti historique de l’indépendance, qui s’était retiré du gouvernement en 2013. Une condition inacceptable pour le Premier ministre, qui précisément venait d’obtenir son ralliement, avec celui des ex-communistes du PPS (déjà membre de la précédente coalition).

Avec le trio PJD-Istiqlal-PPS, il manque encore au Premier ministre une quinzaine de sièges pour atteindre une majorité. En théorie, il peut se tourner vers deux autres formations, le Mouvement populaire et l’USFP, mais sans succès jusqu’à présent.

« L’impasse totale » ?

Dans ses calculs politiciens, où les lignes idéologiques comptent peu, M. Akhannouch se retrouve donc de facto en position de faiseur incontournable de majorité.

A mesure que les tensions montaient et que le blocage était évident, les deux adversaires ont réglé leur compte par presse interposée, avec son lot de messages et indiscrétions savamment distillés.

Jusqu’à la diffusion officielle par le PJD le 14 novembre, d’une vidéo de M. Benkirane déplorant, devant les cadres de son parti, « tentative de putsch », « blocage » et complot « contre la volonté du peuple ». « Je n’accepterai pas que quiconque humilie la volonté la volonté des citoyens en négociant comme si c’était lui le chef de gouvernement », a mis en garde le Premier ministre.

Ses déclarations ont suscité une avalanche de commentaires. Le site d’info Le360 (proche de l’entourage du palais) y a vu « un aveu d’échec » ou une manoeuvre pour « préparer l’opinion publique à une crise sans issue ».

Pour Le Desk, le PJD a voulu montrer que la formation du prochain gouvernement était « dans l’impasse totale ». « Benkirane a choisi le bras de fer dans une logique d’avertissement », une « posture de sédition qui pourrait aboutir soit à sa chute, soit à une instabilité politique durable », selon ce site d’information, qui y voit une « tension palpable avec le palais ».

« Et si Benkirane n’arrive pas à composer sa majorité? », s’est interrogé l’hebdomadaire Telquel. « Une situation inédite où tous les scénarios sont envisageables », alors que la Constitution ne dit rien à ce sujet.

En théorie arbitre au dessus des partis, le roi pourrait être obligé de descendre dans l’arène. Début novembre, il avait clairement mis en garde: « la formation du prochain gouvernement ne doit pas être une affaire d’arithmétique » ou le partage d’un « butin électoral ».

Avec la fin de la COP22 de Marrakech, le feuilleton a marqué une pause. Mais il devrait reprendre de plus belle dès le retour du roi, en tournée en Afrique de l’Est, où il est accompagné de M. Akhannouch pour y vendre notamment l’agriculture marocaine.

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