COP 22 : Seyni Nafo veut « des fonds additionnels et spécifiques au climat » pour le continent

Le négociateur en chef des pays africains à la COP 22 Seyni Nafo veut instaurer un financement juste et durable pour l’adaptation du continent au changement climatique. Voici ce qu’il attend de la conférence de Marrakech qui se termine ce vendredi.

Seyni Nafo est le négociateur en chef des pays africains à la COP 22. © OLIVIER POUR J.A.

Seyni Nafo est le négociateur en chef des pays africains à la COP 22. © OLIVIER POUR J.A.

ProfilAuteur_NadiaLamlili

Publié le 18 novembre 2016 Lecture : 3 minutes.

À Marrakech, tout le monde parle de la justice climatique pour l’Afrique. L’ambassadeur du climat du président malien, Ibrahim Boubacar Keïta, veut lui donner un sens et surtout un contenu. Seyni Nafo, président du groupe des pays africains à la COP 22, explique à Jeune Afrique ce qui bloque réellement dans les négociations entre les pays du Nord et du Sud, et quelles sont les décisions en attente.

Jeune Afrique : Après deux semaines de négociations, à quelles annonces doit-on s’attendre pour l’Afrique ?

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Seyni Nafo : Le sujet le plus important est celui de l’effort d’adaptation des pays africains aux changements climatiques. Nous sommes en attente de deux décisions majeures dans cette COP 22. La première porte sur le fonds d’adaptation, créé par le protocole de Kyoto en 2002. Ce fonds est financé par un pourcentage sur les crédits carbone. Or, depuis que le prix de la tonne de carbone a chuté à moins d’un euro, il est en déficit structurel, nous obligeant à faire une quête tous les ans auprès des pays développés pour l’alimenter.

Paradoxalement, le Fonds vert pour le climat, qui est un organisme onusien créé en 2010, a énormément d’argent (10 milliards de dollars) qu’il n’arrive pas à écouler. L’idée est d’instaurer un équilibre entre ces deux fonds. Mais nous sommes confrontés à une difficulté technique. À la COP 21 de Paris, on a pris la décision que ce fonds d’adaptation « pourrait » servir l’accord sur le climat. À Marrakech, nous voulons qu’il soit dit clairement que le Fonds d’adaptation « va » servir l’accord de Paris. Par la suite, il sera facile pour nous de décliner cet engagement en mesures opérationnelles. Mais les pays développés ont une autre approche.

Ils veulent plutôt achever les discussions techniques et juridiques de l’accord de Paris avant d’accéder à notre requête. Nous voulons quitter Marrakech avec un accord car le contexte politique dans les pays développés pourrait changer d’ici la prochaine COP (élection de Donald Trump aux USA, présidentielle en France en 2017…).

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La deuxième décision que nous appelons de tous nos vœux est celle du financement de l’adaptation d’une manière générale, et à laquelle une enveloppe de 9 milliards de dollars a été consacrée. Les pays développés ont promis de la doubler. À Marrakech, nous voulons que cet engagement puisse être acté en décision.

Qu’est ce qui bloque cette décision ?

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Les pays développés pensent qu’elle va leur mettre une pression supplémentaire. En 2015, l’OCDE a réalisé un rapport sur le niveau de mobilisation Nord-Sud en faveur du climat, qui serait actuellement de l’ordre de 62 milliards de dollars, dans la perspective d’arriver à 100 milliards en 2020. Les pays développés veulent qu’on l’approuve. Or, nous ne sommes pas d’accord avec la méthodologie adoptée.

En quoi cette méthodologie pose-t-elle problème ?

La plus grande insuffisance de ce rapport est qu’il ne traite pas de la question de l’additionnalité, c’est-à-dire des fonds spécifiquement et intentionnellement voués à des politiques climatiques. Pour faire croire qu’ils ont atteint leur quota de financement dans l’adaptation des pays du sud, les pays riches convertissent des projets classiques de développement en projets climat.

En l’absence d’un définition claire de ce qu’est la finance climat, celle-ci restera un fourre-tout.

Aujourd’hui, rien n’empêche un pays du Nord de concevoir un projet de développement agricole comme un projet climatique. Il suffit juste qu’il en change l’étiquette. En l’absence d’un définition claire de ce qu’est la finance climat, celle-ci restera un fourre-tout. Nous voulons des fonds additionnels et spécifiques au climat et non un comptage des flux qui existent déjà. Sinon, on va arriver très vite aux 100 milliards promis par les pays développés à l’horizon 2020 sans effort significatif de leur part.

Que proposez-vous ?

Il faut déterminer des critères pertinents pour l’accès à la finance climat : quels types de projets, quels types de flux financiers (dons, prêts ou garanties) quels acteurs (publics ou privés), comment éviter les doubles comptages… Ensuite, il faudra mettre en place un dispositif de concertation de haut niveau où les ministres des Finances des pays du nord et du sud se réuniront tous les 6 mois en marge des assemblées de la Banque mondiale ou du FMI par exemple pour débattre de projets d’adaptation à financer. Il faut élever le débat au niveau des ministres des Finances. Sinon, nous allons continuer à tourner en rond.

Votre demande a-t-elle été exaucée dans cette COP ?

Pas encore. J’espère qu’elle le sera ce vendredi 18 novembre. En tant que président de la COP, Salaheddine Mezouar, peut déclencher cette demande auprès des pays du Nord, dont la France.

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