Mali : Moi, Cheick Diallo, enfant de Kayes et basketteur de NBA

Mon nom est Cheick Diallo, je suis un enfant de Kayes, une ville de l’Ouest du Mali.

Le basketteur malien Cheick Diallo, lors d’un match avec Our Savior, le 13 février 2015. © Gregory Payan/AP/SIPA

Le basketteur malien Cheick Diallo, lors d’un match avec Our Savior, le 13 février 2015. © Gregory Payan/AP/SIPA

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  • Cheick Diallo

    Cheick Diallo est un joueur malien de basketball qui évolue aux États-Unis en NBA comme ailier fort de l’équipe des New Orleans Pelicans.

Publié le 26 octobre 2016 Lecture : 8 minutes.

Je suis le benjamin de ma famille, j’ai quatre frères et nous sommes une famille très soudée. Plus jeune, j’étais un fan inconditionnel de football, j’y ai joué très tôt comme probablement 99,9% des enfants en Afrique. A 13 ans, mon père m’a dit: « Mon fils, tu as trop grandi pour continuer à jouer au foot, tu devrais faire du basket. »

C’était impensable pour moi! Je jouais au foot tous les jours avec mes amis et à Kayes, personne ne jouait au basketball ! C’est sans grande conviction que j’ai commencé le basket. Sur le terrain, j’étais vraiment mauvais pour tout vous dire. Pour moi, ça n’avait aucun sens de jouer au ballon avec les mains. Dès l’instant où j’ai commencé à y prendre plaisir, j’ai progressé. Plus tard, j’ai fait une rencontre, qui s’avérera déterminante dans ma vie; j’ai rencontré Tidiane Drame.

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Tidiane est le fondateur de l’association « Mali Hope Foundation », qui a pour objectif de donner l’opportunité à de jeunes basketteurs maliens de poursuivre leurs études aux USA et d’obtenir une bourse grâce à leurs aptitudes sportives. Tous les ans, il organise un camp d’entraînement au Mali afin de détecter les joueurs les plus prometteurs. J’ai rencontré Tidiane pour la première fois à l’âge de 14 ans, j’étais avec mon meilleur amis Kassoum Yakwe (joueur à l’université de St. John’s). J’ai participé au camp et Tidiane a immédiatement contacté ma famille.

Mon père était très enthousiaste à l’idée que je tente ma chance à l’étranger.

J’étais très surpris qu’il vienne vers moi, car dans mon esprit il y avait de bien meilleurs joueurs dans le camp, mais Kassoum et moi étions ceux qu’il avait remarqué. Tidiane a par la suite rencontré mes parents. Il leur a expliqué qu’il voyait un potentiel en moi. Il leur a demandé l’autorisation de me laisser quitter le Mali, pour faire mes études aux États-Unis et jouer au lycée. Mon père était très enthousiaste à l’idée que je tente ma chance à l’étranger pour peut-être devenir un grand joueur et assurer mon avenir. Ma mère, quant à elle, ne voyait pas la chose de la même manière. Rappelez-vous, je suis le petit dernier de la famille…

Au Mali, tout le monde se connaît de près ou de loin et mes parents connaissaient des membres de la famille de Tidiane. Finalement, elle a accepté que je parte. Mon père a alors annoncé à Tidiane d’une voix calme et sage : « Je te confie mon fils, prends en soin. » Dans notre culture, ces mots représentent une énorme responsabilité, ils induisent également la confiance que l’on porte à une personne mais aussi et surtout ils représentent un grand honneur. À cet instant j’étais sous l’entière responsabilité de Tidiane. J’étais jeune et j’avais entièrement confiance dans le choix de mon père.

Un choc brutal

J’ai quitté ma famille, mes amis, Kayes et le Mali le 14 février 2012. J’avais 15 ans. En arrivant aux USA, je ne savais vraiment pas à quoi m’attendre. Je ne connaissais même pas la différence entre le basket high school, NCAA et NBA. J’étais naïf et tout était nouveau. Je me suis documenté et croyez moi ou non… YouTube m’as beaucoup aidé.

J’ai intégré mon nouveau lycée, Our Savior New American à Long Island, en plein hiver. N’ayant jamais vu de vraie neige de ma vie, le choc à été plutôt brutal. Je m’étais pourtant préparé mentalement avec les conseils de Tidiane et quelques recherches. Mais ce froid, l’éloignement de ma famille et la barrière de la langue, ont rendus mes premiers mois très difficiles.

Dieu merci, mon coach, ma famille d’accueil, mes professeurs et les autres étudiants d’Our Savior m’ont accueilli comme un membre à part entière de leur grande famille. Ils m’aidaient et faisaient tout le nécessaire pour que je me sente comme chez moi. Tidiane prenait de mes nouvelles tous les jours, venait me voir régulièrement et me traitait vraiment comme son propre fils.

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Ma mission

Je suis persuadé que je n’aurais pas pu trouver meilleur lieu d’accueil qu’Our Savior. L’atmosphère y est familiale, c’est un environnement parfait pour étudier et développer son jeu. Durant ma dernière saison là-bas, mon objectif était clair : devenir le meilleur joueur lycéen du pays. C’était ma mission, mon challenge. Je me devais de rendre fiers mon père, ma mère, mes frères, restés au pays et les conforter dans leur décision de me laisser partir.

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À force de travail, j’ai été élu MVP (meilleur joueur) du top 100 NBPA. Ce camp regroupe les 100 meilleurs joueurs du championnat lycéen du pays. À chaque fois que j’affrontais un joueur mieux classé que moi, mon but était de le dominer et d’être le plus fort. Cette année là, j’ai fait une très bonne saison, j’ai été sélectionné dans trois événements majeurs dans le basket high school : au McDonald’s All American 2015, Nike Hoops Summit 2015 et au Jordan Brand Classic 2015, et devinez quoi ? J’ai été élu MVP sur deux des trois événements (McDonald’s All American et Jordan Brand Classic).

Je suis devenu le deuxième joueur non américain et le premier africain à avoir été élu MVP du McDonald’s All American.

Coup dur

Durant ma dernière année de lycée, j’ai été courtisé par les plus grandes universités du pays. J’ai finalement fait le choix de jouer pour le coach Bill Self à l’université de Kansas pour la saison 2015-2016. J’étais vraiment très excité à l’idée d’intégrer le Championnat Universitaire et j’espérais beaucoup de ce nouveau défi. Malheureusement, j’ai dû faire face à un obstacle inattendu… La NCAA ne m’a pas autorisé à jouer.

Je ne comprends toujours pas leur décision et je pense encore que ce choix était injuste. Ce fût un coup dur, mais on m’a appris très jeune à faire face à l’injustice et à l’adversité. Mon père m’a toujours dit de rester positif et de ne jamais abandonner. Durant cette période difficile le soutien des fans de Kansas a été incroyable. La campagne #FreeDiallo m’a vraiment touché.

Je me souviendrais toujours de ces fans, torse nu avec les lettres « F.R.E.E D.I.A.L.L.O » inscrites sur leurs torses. A la fin de cette première année universitaire, j’avais encore plus de force et d’énergie que jamais! J’ai décidé de poursuivre mon rêve et de m’inscrire à la draft NBA.

Objectif atteint

Je me suis lancé dans la draft avec l’état d’esprit qui est le mien depuis toujours, j’étais confiant parce que je connaissais mes qualités. Je pensais vraiment être sélectionné dès le premier tour. Je me sentais bien lors des workouts dans les différentes franchises et durant la draft combine. Mais la draft est comme le poker, le jour J, on ne sait jamais ce qu’il peut se passer.

J’ai été choisi à la 33e position, au second tour par les Los Angeles Clippers, qui m’ont échangé dans la foulée aux New Orleans Pelicans. Dans un premier temps, j’ai été un peu déçu de ma position, mais malgré tout j’étais content d’être drafté. J’allais enfin avoir l’opportunité de montrer ce dont j’étais capable. J’avais atteint mon objectif : devenir un joueur NBA.

Mon ambition cette saison est de remplir le rôle qui me sera donné par mon coach Alvin Gentry. Je sais que je suis un jeune joueur, encore perfectible, et que j’ai encore beaucoup à apprendre. Anthony Davis, le leader de notre équipe est comme un grand frère pour moi, il m’aide beaucoup. On s’entraîne ensemble, et il me donne toujours des conseils pour améliorer mon jeu.

Je suis africain

Je vis aux État-Unis depuis près de 5 ans maintenant et j’ai appris à aimer le style de vie que l’on mène ici. Ceci dit, je n’oublie pas d’où je viens et qui je suis. Je suis africain de naissance et d’éducation. En quittant Kayes je savais que j’avais une lourde responsabilité sur les épaules et un devoir de réussite envers mes parents et ma famille. Aujourd’hui je suis très fier que mon nom soit associé aux trois lettres magiques « N B A », la meilleure ligue de basketball au monde. Je fais désormais partie des 450 joueurs ayant la chance d’évoluer en NBA …

De grands joueurs africains y sont passés avant moi : Hakeem Olajuwon ; Dikembe Mutombo avec qui je suis en contact depuis mon année junior en high school et qui est toujours de très bon conseil pour moi; Soumaila Samake le premier malien en NBA; Manute Bol; Luol Deng; Desagana Diop; Didier M’Benga; Bismack Biyombo; Serge Ibaka; Luc Mbah a Moute; Festus Ezeli et les autres. Je veux marcher dans les traces de ces anciens qui ont montré la voie à de jeunes joueurs africains comme moi.

Je me souviendrais toujours du All Star Game 2012. C’était la première sélection de Luol Deng et il a dérogé au dress code durant sa présentation, montant sur l’estrade avec un t-shirt représentant une carte du continent africain. J’étais si fier qu’il nous représente ainsi. Quand les médias lui ont demandé pourquoi il a porté ce t-shirt, il a répondu que c’était parce qu’il voulait inspirer les enfants en Afrique. Cela m’a énormément marqué et ému de regarder un grand frère montrer l’exemple et donner de l’espoir à ses petits frères.

Cheick Diallo à Shangaï avec les New Orleans Pelicans pour un match de la pré-saison NBA, le 7 octobre 2016. © STR/AP/SIPA

Cheick Diallo à Shangaï avec les New Orleans Pelicans pour un match de la pré-saison NBA, le 7 octobre 2016. © STR/AP/SIPA

À mon tour, je veux incarner la jeunesse africaine. En grandissant, mes joueurs préférés étaient Hakeem Olajuwon et Dikembe Mutombo. Dans la nouvelle génération de joueurs, j’aime beaucoup Blake Griffin.

Au travers de mon parcours, je souhaite avoir un réel impact sur la jeunesse africaine pour qu’elle réalise que tout est possible.

Mon père a toujours eu une grosse influence dans ma vie. Il est la raison pour laquelle je joue au basket aujourd’hui et je lui en serai à jamais reconnaissant. Ceci-dit, je me dois d’être mon propre modèle aujourd’hui, comme n’importe quel enfant d’Afrique. Je veux tirer le meilleur de chaque situation, que je joue 1 seconde ou 48 minutes par match, je donnerai le meilleur de moi-même. C’est dans ma nature et mon tempérament.

Je veux également être plus qu’un athlète et mettre à profit ma notoriété naissante pour avoir une influence positive hors du terrain. Au travers de mon parcours, je souhaite avoir un réel impact sur la jeunesse africaine pour qu’elle réalise que tout est possible. Le basketball a complètement changé ma vie. Le sport est une excellente école, il nous apprend le respect, la tolérance, la valeur du travail, l’esprit d’équipe et toutes les valeurs essentielles de la vie.

Je repense parfois à ce jour où, pour faire plaisir à mon père, j’ai abandonné le football, pour me tourner vers le basket. Je repense aussi à mes débuts hésitants. Encore quelques années en arrière, je n’aurai jamais imaginé atteindre le plus haut niveau…

Mon nom est Cheick Diallo, je viens de Kayes, et je suis ailier-fort pour les New Orleans Pelicans.

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