Ce jour-là : le 21 septembre 1979, la chute de Bokassa 1er, empereur de Centrafrique

Dans la nuit du 20 au 21 septembre 1979, une opération menée par les services secrets français aboutit à la destitution de Jean-Bedel Bokassa, alors en déplacement dans la Libye de Kadhafi. Une nouvelle ère s’ouvre après une décennie de règne sans partage du « Napoléon centrafricain » et trois années d’un éphémère empire.

Jean-Bedel Bokassa (à dr.) avec son épouse Catherine, lors de son couronnement en tant qu’empereur, le 4 décembre 1977. © AP/SIPA

Jean-Bedel Bokassa (à dr.) avec son épouse Catherine, lors de son couronnement en tant qu’empereur, le 4 décembre 1977. © AP/SIPA

Publié le 20 septembre 2016 Lecture : 4 minutes.

La chute de l’empereur autoproclamé de Centrafrique tranche avec le faste de son couronnement, le 4 décembre 1977. Le 21 septembre 1979, c’est presque en catimini que Jean-Bedel Bokassa est destitué. Seul point commun entre les deux événements, que séparent près de 14 ans : la France est présente dans les deux cas. Mais pas avec les mêmes intentions.

Depuis la nuit du 20 au 21 septembre, l’aéroport de Bangui est en effet le lieu d’un intense ballet. L’opération Caban (pour CentrAfrique-BANgui) a commencé. Furtivement, les parachutistes français prennent position dans la ville. Aucun coup de feu ne sera tiré : les seuls membres des forces centrafricaines qui disposent d’armes – la garde personnelle de l’empereur – se rangent rapidement derrière les troupes françaises.

la suite après cette publicité

Mais les militaires français ne sont pas les seuls à jouer un rôle de premier plan. Un homme bien connu des Centrafricains est aussi de la partie. Il s’agit de David Dacko, premier président du pays, qui avait été renversé lors du coup d’État de la Saint Sylvestre, la nuit du 31 décembre 1965, par son cousin, le jeune colonel Jean-Bedel Bokassa.

Dès le 22 septembre, les imposantes statues de l’empereur sont déboulonnées par une foule enthousiaste

Ce même David Dacko, qui était conseiller personnel de l’empereur depuis 1976, s’adresse aux Centrafricains dans la journée du 21 septembre par le biais d’un message radiodiffusé. « Depuis treize ans, le pays a été exploité par celui qui s’en est fait proclamer empereur et a rabaissé notre patrie aux yeux du monde par ses excès, son ridicule et sa folie des grandeurs, puis l’a entièrement ruinée. L’économie est détruite. Il n’y a plus de routes, plus, de commerce, plus de production, les fonds publics et les aides extérieures ont été détournés par Bokassa et virés sur des comptes en Suisse et en Europe… »

Il assure également « avoir été plusieurs fois sollicité par les Centrafricains et les nombreux amis de l’extérieur, dont la France, qui restent dévoués et efficaces en dépit du discrédit du régime ». Un peu plus tard, à minuit et demi, il annoncera la fin de la monarchie, déclarera la République et instaurera un gouvernement de salut public. Et le lendemain, les imposantes statues de l’empereur sont déboulonnées par une foule enthousiaste.

Les Centrafricains ont déboulonné les statues de l'empereur Bokassa en septembre 1979. © ARCHIVES JA

Les Centrafricains ont déboulonné les statues de l'empereur Bokassa en septembre 1979. © ARCHIVES JA

La France face à la Libye de Kadhafi

Les relations bilatérales entre « l’empire » et l’ex-puissance coloniale viennent de connaître un revirement aussi brutal que soudain. Jusque là, entre les nombreuses chasses de Valéry Giscard d’Estaing dans la savane centrafricaine et le fantasque couronnement de Bokassa, largement financé par la France, la proximité entre les chefs d’État français et centrafricain n’était plus à démontrer. Plusieurs éléments permettent d’expliquer cette nouvelle donne : un massacre d’écoliers et d’étudiants, en janvier-mars 1979, a choqué la communauté internationale et le récent rapprochement entre Bokassa et la Libye a suscité l’ire de Paris.

Très vite, l’opération Caban mené par le SDECE (services secrets français), va se transformer en opération Barracuda à la demande de David Dacko et en vertu des accords de défense bilatéraux ratifiés au lendemain des indépendances. Même si les blindés et véhicules français patrouillent dans Bangui, l’atmosphère reste calme. Les quelques soldats et conseillers militaires libyens se rendent sans coup férir, quand ils ne se réfugient pas dans l’ambassade de la Jamahiriya.

Les procès du « Napoléon centrafricain »

la suite après cette publicité

Le désormais ex-empereur de Centrafrique est voué à finir sa vie en exil. Il réside pendant quatre ans à Abidjan, puis part en France pour « jouir » de son château d’Hardricourt, en banlieue parisienne. En 1980, la cour de justice de Bangui le condamnera à mort par contumace pour « assassinat, recel de cadavres, anthropophagie, atteinte aux libertés individuelles, coups et blessures volontaires et détournement de fonds publics ».

Même reclus et isolé, le châtelain centrafricain continuera à faire parler de lui, notamment avec la révélation en octobre 1979 de l’affaire des diamants par l’hebdomadaire satirique français Le canard enchaîné, compromettant ainsi Giscard d’Estaing et sa réélection à la tête de la France en 1981.

la suite après cette publicité

En raison de son idéalisation du mythe napoléonien – qu’il entend toujours incarner -, Bokassa se décide à rentrer en Centrafrique en octobre 1986, espérant un plébiscite de la population. Il n’en sera rien.

À la chute du tyran, les portes du palais impérial de Berengo avaient été ouvertes, et les secrets de l’empereur dévoilés. Les Centrafricains sont au faits des horreurs du régime (sévices et tortures dans les geôles centrafricaines) et de la mégalomanie de Bokassa, que de nouveaux ennuis judiciaires attendent dès son retour.

Devant les difficultés du présent, l’on a tendance à idéaliser le passé…

Au terme d’un procès fleuve de 6 mois, initié le 26 novembre 1986, Jean-Bedel Bokassa sera condamné une seconde fois à la peine capitale mais acquitté pour la présomption d’anthropophagie. La peine sera finalement commuée en prison à vie, puis à 10 ans de réclusion. L’ex-empereur recouvrera la liberté en 1993, gracié par le président Kolingba. Trois ans plus tard, il rendra l’âme à Bangui.

Même si cela peut surprendre, une certaine nostalgie de l’empire et de l’empereur subsiste chez certains en Centrafrique. Une fébrile flamme entretenue par ses descendants, mais aussi par François Bozizé qui, à l’occasion de la fête nationale du 1er décembre 2010, signait un décret réhabilitant l’empereur. Devant les difficultés du présent, l’on a tendance à idéaliser le passé…

Retrouvez ci-dessous l’article de Jeune Afrique publié dans le n°978 du 3 octobre 1979. N’hésitez pas à agrandir la fenêtre pour un plus grand confort de lecture en cliquant sur le bouton en bas à droite.

La chute de Bokassa, la semaine ou tout s’est joué by jeuneafrique on Scribd

La Matinale.

Chaque matin, recevez les 10 informations clés de l’actualité africaine.

Image

La rédaction vous recommande

Contenus partenaires