La renaissance africaine débute sur les bancs de l’école

Sur une colline aux abords de Dakar s’élève le Monument de la Renaissance Africaine, inauguré en 2010. Cette massive statue de bronze d’une cinquantaine de mètres représente un homme, une femme et un enfant, regardant vers la mer.

Des étudiants sénégalais devant le monument de la Renaissance africaine, à Dakar, le 13 octobre 2010. © Rebecca Blackwell/AP/SIPA

Des étudiants sénégalais devant le monument de la Renaissance africaine, à Dakar, le 13 octobre 2010. © Rebecca Blackwell/AP/SIPA

irina_bokova

Publié le 18 août 2016 Lecture : 4 minutes.

L’idée de la renaissance de l’Afrique est une réalité dynamique. Partout sur le continent, je vois des courants de renouveau surmonter les défis de la pauvreté, de l’exclusion et du conflit. L’Afrique est en mouvement, et le moteur qui l’anime est l’éducation – l’éducation pour l’inclusion, pour l’autonomisation, pour la paix. Le renouveau de l’Afrique débute sur les bancs de l’école.

C’est ce que j’ai pu constater il y a quelques jours au Centre d’Excellence Al Azhar dans la ville de Mbao, aux abords de la capitale sénégalaise. Ce Centre permet aux étudiants sortant d’écoles arabo-islamiques de développer des compétences qui leur donneront l’opportunité de trouver un emploi décent, et de favoriser l’émergence de nouvelles formes de solidarité.

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C’est le premier moteur du renouveau. Le vivre-ensemble doit être enseigné comme une valeur et une compétence contribuant au dialogue autant qu’à l’emploi. L’éducation à la paix est la clé pour prévenir l’extrémisme violent, et une force de renouveau.

L’inclusion est un second moteur. À Derklé, au Sénégal, il existe un centre qui dispense des classes d’alphabétisation pour les filles et les femmes handicapées, qui leur apprend à lire et à écrire en wolof, et à faire de l’arithmétique. Ces classes sont un autre signe de la renaissance africaine.

J’accueille avec enthousiasme les nouvelles lois au Tchad et au Niger qui maintiennent les filles à l’école au moins jusqu’à l’âge de 16 ans

Éduquer les filles et les femmes, et en particulier les plus marginalisées, constitue un droit humain qui renforce toutes les sociétés et cimente la croissance économique. Ce droit est à la base de l’assainissement des sociétés, tant il influe sur la santé maternelle et la mortalité infantile. Par exemple, si toutes les filles d’Afrique subsaharienne et d’Asie du Sud avaient accès à l’éducation secondaire, le mariage des enfants reculerait de 64 % et les naissances prématurées de 59 %. Notre objectif doit être de garder les filles à l’école aussi longtemps que possible. Cela s’avère nécessaire à la réalisation de tous les Objectifs de développement durable. C’est la raison pour laquelle j’accueille avec enthousiasme les nouvelles lois au Tchad et au Niger qui maintiennent les filles à l’école au moins jusqu’à l’âge de 16 ans.

Comme le Centre d’Excellence Al Azhar, le Centre de Derklé est le fruit d’un partenariat de l’Unesco soutenant le Collectif national pour une éducation alternative et populaire et la Commission des femmes de l’Association des personnes handicapées au Sénégal. C’est une autre facette du renouveau, les gouvernements travaillent main dans la main avec la société civile, et le soutien des organisations internationales.

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C’est la raison pour laquelle le Sénégal a gagné cette année le Prix Confucius Unesco d’alphabétisation, en reconnaissance de ses efforts pour faire progresser l’alphabétisation grâce au développement de nouvelles technologies et de téléphones portables, et pour la lier à la génération de revenus, en particulier pour les femmes.

La renaissance africaine doit également se charger d’une facette environnementale. Le Lac Tchad incarne tous les défis contemporains, de la dégradation environnementale due aux changements climatiques à la mauvaise gestion des ressources naturelles, et engendre un courant de pauvreté, de migration et d’extrémisme qui retient le développement de toute la région. Répondre à ces défis souligne l’importance d’une conférence international sur le Lac Tchad, telle que proposée par le Nigeria. La gestion durable et inclusive des ressources est essentielle, elle appelle au renforcement des capacités à tous les niveaux, y compris celles des nouvelles générations, pour protéger les trésors uniques de l’environnement naturel de l’Afrique, au bénéfice de tous, pour aujourd’hui et pour demain.

Le berceau de l’humanité est aujourd’hui un vivier de diversité et de patrimoine culturel

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La richesse culturelle de l’Afrique est un autre moteur de la renaissance du continent, et elle doit également être enseignée. Le berceau de l’humanité est aujourd’hui un vivier de diversité et de patrimoine culturel. C’est une source intarissable pour l’émergence du secteur culturel africain, visible à travers l’exceptionnelle industrie du film au Nigeria ou la décision du Niger de lancer une stratégie ambitieuse pour la renaissance culturelle, centrée sur la mobilisation de la jeunesse. La culture fonde le sentiment d’appartenance et la confiance qui sont essentiels à l’émergence d’un développement significatif

C’est une autre force de dialogue et de réconciliation. Je l’ai constaté en juin 2015 lorsque j’ai assisté à la cérémonie célébrant la reconstruction des mosquées et mausolées de Tombouctou, soutenue par l’UNESCO, après leur destruction par des extrémistes violents.

Au Mali, je constate ce pouvoir pour la paix incarné par l’histoire millénaire d’échange et de dialogue autour de la foi et de la connaissance qui caractérise l’Afrique. Cet incroyable passé doit être enseigné à l’école et dans les universités, pour rappeler aux hommes et aux femmes du continent et du monde entier l’histoire qu’ils partagent, et pour poser les bases d’une futur commun plus inclusif.

En 2013, l’Union africaine a célébré son cinquantième anniversaire autour du thème du « panafricanisme et de la renaissance africaine ». J’ai été très honorée de participer au sommet à Addis-Abeba, lorsque l’Agenda 2063 a été adopté, et mon message était clair : la coopération de l’Unesco avec l’Union africaine est fondée sur des valeurs partagées, des objectifs communs et la vision d’un futur continent jouant un rôle mondial de leader dynamique.

Ce développement doit commencer avec la jeunesse africaine. Plus de 60 % de la population du continent a moins de 35 ans, il faut éduquer les jeunes pour les rendre autonomes, leur donner les moyens d’accomplir leurs rêves, de protéger leur environnement, de construire la paix et de vivre ensemble.

C’est ce qu’il se passe aujourd’hui. Dans les salles de classes et les centres d’alphabétisation, dans les communautés sur tout le continent, la renaissance africaine est dynamique, elle nourrit le plus puissant vecteur de changement de l’humanité, par l’éducation. C’est le visage de la renaissance de l’Afrique.

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