Terrorisme : réenchantons le monde

Nice, Alep, Orlando… aujourd’hui. Bassam, Ouagadougou, Bamako, Niamey, Paris… hier. Kigali, avant hier. L’échec des politiques.

Un artiste joue de la guitare à Nice au lendemain de l’attentat qui a frappé la ville le 14 juillet. © Luca Bruno/AP/Sipa

Un artiste joue de la guitare à Nice au lendemain de l’attentat qui a frappé la ville le 14 juillet. © Luca Bruno/AP/Sipa

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  • Séverine Kodjo-Grandvaux

    Responsable des pages Culture & Médias de l’hebdomadaire, elle est également l’auteure de l’ouvrage « Philosophies africaines », publié aux éditions Présence africaine.

Publié le 15 juillet 2016 Lecture : 2 minutes.

Comment des cœurs, de chair et de sang, peuvent-ils à se point s’endurcir, s’assécher et devenir pierre ? Nous plonger dans les ténèbres et nous entraîner dans leur chute vertigineuse ? Frapper aveuglément et tuer toute humanité, en eux, en nous ?

Terrorisme, fanatisme, barbarie, génocide… Des mots qui reviennent et dont nous ne parvenons à nous débarrasser. Des mots qui résonnent et nous rappellent dans toute leur horreur que l’humanité est un perpétuel chantier à construire. Que l’on ne saurait être homme, pleinement, sans le vouloir et y travailler.

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Dans ces moments tragiques, le besoin de se serrer les uns contre les autres pour trouver un peu de réconfort, de s’unir face à l’adversité, est grand. Mais comment ne pas céder à la tentation du repli sur soi et continuer à tendre une main ouverte et généreuse vers l’autre ? Comment répondre au besoin de paix et de sécurité des populations sans céder au tout sécuritaire et atteindre aux libertés fondamentales ? Comment affirmer ce que nous sommes et voulons être sans nier autrui ? Les défis qui se posent à nos sociétés sont immenses. Nos dirigeants sauront-ils les relever ?

Les expériences rwandaises et sud-africaines nous ont appris que vaincre son ennemi n’est pas le réduire à néant

S’ils poursuivent inlassablement cette « politique de l’inimitié » (Achille Mbembe) qu’ils mettent en place de manière implacable nourrissant une économie de prédation toujours plus assassine et viscéralement inégalitaire et s’ils ne parviennent pas à se mettre véritablement au service des peuples qu’ils gouvernent, il est à craindre que les réactions extrémistes ne soient de plus en plus nombreuses et continuent de frapper aveuglément.

Les expériences rwandaises et sud-africaines nous ont appris que vaincre son ennemi n’est pas le réduire à néant. La philosophie de l’ubuntu (« je suis parce que nous sommes ») nous rappelle que c’est de l’humanité d’autrui que je tire la mienne et qu’il ne saurait y avoir de justice réelle sans que l’on redonne sa place au sein du corps social aux victimes, bien sûr, mais aussi aux bourreaux. C’est là la terrible leçon de ces tragédies humaines qu’ont été le génocide tutsi et la politique ségrégationniste et raciste du régime de l’apartheid.

« Utopie active »

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Plus que jamais nous avons besoin d’une « utopie active » qui « réalise [nos] potentialités heureuses », d’un « projet de civilisation qui met[te] l’homme au cœur de ses préoccupations en proposant un meilleur équilibre entre les différents ordres : l’économique, le culturel, le spirituel » (Felwine Sarr).

Plus que jamais nous avons besoin de poètes pour réenchanter notre monde, que nous vivions à Dallas, Bâton-Rouge, Haïti, Paris, Abidjan, Goma, Bangui, Maiduguri, Tunis, Le Caire… Écoutons ce que nos artistes, plasticiens, photographes, chorégraphes, danseurs, dramaturges, acteurs, romanciers, musiciens… ont à dire et donnons-leur les moyens de créer.

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Plus que jamais la culture doit être accessible à tous, au Nord comme au Sud, car elle seule pourra nous sauver de nous-mêmes et nous rendre notre humanité perdue.

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