Bénin : WhatsApp à Cotonou, pour le meilleur et pour le pire

L’utilisation de WhatsApp a explosé avant les élections législatives d’avril 2015 au Bénin. Depuis, le réseau social semble être devenu indispensable à bien des égards. Reportage à Cotonou.

Image d’illustration. © Patrick Sison/AP/SIPA

Image d’illustration. © Patrick Sison/AP/SIPA

VINCENT-DUHEM_2024

Publié le 8 juillet 2016 Lecture : 3 minutes.

L’application WhatsApp a conquis le continent africain. © Karly Domb Sadof/AP/SIPA
Issu du dossier

Le phénomène WhatsApp en Afrique

Si WhatsApp, acheté par Facebook en 2014, est un pur produit de la Silicon Valley, l’application s’est épanouie bien loin des collines californiennes, en plein cœur du continent africain. Moins chère, plus sécurisée, adaptée à des connexions internet faibles, elle a conquis l’Afrique, au point d’en bouleverser les codes, de la politique à la vie privée.

Sommaire

À Cotonou, la folie WhatsApp se lit sur tous les écrans. Ceux d’hommes et de femmes les yeux rivés en permanence sur leurs smartphones, comme dans toutes les grandes villes modernes : au volant, en marchant, à l’arrière d’un zémidjan, au restaurant, en famille ou même lors de rendez-vous galants… Le nombre d’utilisateurs du réseau social n’est pas public, mais une chose est sûre : de plus en plus de Béninois l’ont installé sur leur téléphone.

Son utilisation a véritablement explosé avant les élections législatives d’avril 2015, une période qui a coïncidé avec l’arrivée sur le marché de téléphones portables Androïd financièrement plus accessibles. Les groupes de discussions consacrés à l’actualité politique se multiplient à l’occasion de cet événement politique. Aujourd’hui, dans un pays où l’on ne propose pas de forfait mensuel, l’application mobile lancée en 2009 qui compte plus d’un milliard d’utilisateurs a brisé les barrières sociales et générationnelles. Chaque utilisateur possède des dizaines de groupes, correspondants à différents cercles.

la suite après cette publicité

Il y a les groupes d’actualité politique, les groupes de journalistes, de travail, des groupes associatifs ou même familiaux. « Nous avons réussi à réunir notre famille élargie. Des anciens amis se sont retrouvés grâce à WhatsApp », explique Evrad Gbaguidi, administrateur du groupe de sa famille. « Dans mon entreprise, je crée des groupes à chaque événement important, comme une conférence, pour faciliter sa préparation », confie une communicante qui utilise aussi l’application pour échanger et passer commande auprès de ses fournisseurs. À Cotonou, une élève de troisième a proposé d’ouvrir une discussion pour permettre aux absents de rattraper leurs cours.

Utilisation chronophage

Dans le monde professionnel, l’application facilite la communication – un médecin raconte qu’il lui arrive de solliciter les conseils de collègues, un policier que WhatsApp est devenue un vrai instrument de travail –  et donne plus de visibilité. Mais son utilisation peut aussi être très chronophage et pose donc des problèmes de productivité. Certains groupes sont tellement animés que le portable de ses abonnés ne cesse de vibrer. « J’ai dû mettre des discussions en silencieux », explique un journaliste.

Sur WhatsApp, la circulation de l’information est tellement rapide qu’il est impossible de la contrôler. « Les fausses images, les rumeurs non vérifiées inondent les discussions. On dévoile la vie privée des gens plus facilement, ça a développé un côté voyeur. Quand un accident de la circulation se produit, les passants prennent immédiatement des photos et des vidéos pour les mettre en ligne », déplore un habitant de Cotonou qui s’inquiète également de « la multiplication des publications à caractère pornographique que les mineurs peuvent facilement consulter ».

L’utilisation compulsive de WhatsApp, la multiplication des conversations et des échanges attisent également la paranoïa et la jalousie

la suite après cette publicité

Un autre travers revient dans de nombreux témoignages : le manque de communication. Entre amis, en famille et dans le couple. « Le soir, quand on rentre chez soi, on a souvent dix discussions en attentes. Donc, au lieu de discuter avec son mari, de faire un pas vers lui, on préfère se plonger dans son téléphone et on ne se parle plus », confie Hermine, 22 ans.

L’utilisation compulsive de WhatsApp, la multiplication des conversations et des échanges attisent également la paranoïa et la jalousie. L’application mobile facilite la séduction et ce n’est pas du goût de tous. « Aujourd’hui, tu peux savoir quand l’autre est connecté. On se demande pourquoi, on se fait des films », explique Salomé, 25 ans.

la suite après cette publicité

Jardin secret

Alors qu’il l’utilise lui-même pour draguer, Georges regrette que « les femmes s’en servent pour jouer et tromper. Quand ta copine est sur WhatsApp, tu ne peux pas contrôler avec qui elle parle, dit-il en pianotant sur son téléphone. La suspicion est plus grande. Est-ce un amant ? Un rival ? Parle-t-elle de toi ? » Assis à ses côtés, un de ses amis poursuit : « Même si ta femme est fidèle, elle est tellement sollicitée que la tentation est souvent forte. »

Réplique de Salomé : « Nos hommes considèrent qu’ils ont le droit de tromper et que nous non. Ils sont trop possessifs et jaloux, veulent tout contrôler. Les femmes le savent. WhatsApp est une arme pour en jouer et évacuer leurs frustrations. » Une sorte de jardin secret que les hommes auraient donc du mal à accepter.

La Matinale.

Chaque matin, recevez les 10 informations clés de l’actualité africaine.

Image

Dans le même dossier

Technologie : comment Whatsapp a conquis l’Afrique