Mali – Oumar Aldjana : « Nous avons créé un mouvement pour mettre fin aux exactions contre les Peuls »

Un nouveau groupe politico-militaire vient de s’ajouter à la myriade de mouvances évoluant actuellement dans le centre du Mali. Son nom : l’Alliance nationale pour la sauvegarde de l’identité peule et la restauration de la justice (ANSIPRJ). Son fondateur et dirigeant, Oumar Aldjana, a répondu aux questions de Jeune Afrique.

Des militaires maliens à l’entraînement, à Koulikoro, en juillet 2013. © Baba Ahmed/AP/SIPA

Des militaires maliens à l’entraînement, à Koulikoro, en juillet 2013. © Baba Ahmed/AP/SIPA

Publié le 20 juin 2016 Lecture : 3 minutes.

Qui est donc ce nouveau venu dans la constellation des groupes armés qui, toujours plus nombreux, opèrent dans le centre du pays ? Quel est son pouvoir de nuisance ? Quelles sont ses intentions ? Doit-on le prendre au sérieux ? Pour l’heure, on ne sait pas grand-chose de l’Alliance nationale pour la sauvegarde de l’identité peule et la restauration de la justice (ANSIPRJ), un mouvement politico-militaire qui a officiellement vu le jour le 18 juin à la suite d’un appel téléphonique passé à l’AFP, et dont le seul membre connu est Oumar Aldjana. Cet enseignant de 27 ans originaire du cercle de Niafunké, fils d’un Touareg et d’une Peule, est connu à Bamako pour son engagement dans la défense des Peuls – il préside l’association Kawral Pulaaku et serait proche d’une autre association récemment créée, Vérité, Justice, Liberté (VJL). Il se présente comme un ancien membre du Mouvement national de libération de l’Azawad (MNLA) et comme le chef politique et militaire de ce nouveau mouvement, dont il assure être le secrétaire général.

A-t-il les moyens de ses ambitions ? « Difficile à dire, explique un bon connaisseur de la zone. Ce qui est sûr, c’est que cela fait quelque temps que des jeunes parlent de monter un groupe armé pour se défendre. » Lorsqu’il nous a accordé cet entretien, lundi 20 juin en début d’après-midi, Oumar Aldjana disait patrouiller une arme à la main dans les environs de Léré, près de la frontière mauritanienne.

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Jeune Afrique : Pourquoi avoir créé ce mouvement armé ? Quels sont vos objectifs ?

Oumar Aldjana : Nous avons créé ce mouvement pour mettre fin aux exactions contre les Peuls, qui sont victimes d’un amalgame car aujourd’hui, pour les autorités, un Peul est forcément un jihadiste. On les tue, on les agresse pour cela. Ils sont la cible de l’armée, mais aussi de milices proches du gouvernement. Dans la région de Tenenkou, le pouvoir a mis en place une milice bambara pour attaquer les Peuls. Cette milice a reçu des armes, et elle est dirigée par un capitaine de l’armée basé à Tenenkou. Il est temps de réagir. Des gens meurent. D’autres fuient dans des camps de réfugiés en Mauritanie. Nos familles sont dispersées. Les responsables maliens doivent mettre fin à cette barbarie. Tant qu’ils ne feront rien, nous nous battrons.

Où ? Dans le Macina uniquement ?

Non. Partout où il y a des Peuls.

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Quel est votre ennemi ?

L’armée malienne. Elle s’en prend à tous les Peuls. Nous ne tolèrerons plus un seul mort. Nous ne sommes ni des jihadistes, ni des indépendantistes. Nous ne revendiquons pas un territoire. Nous ne sommes pas contre l’accord de paix d’Alger. Nous ne faisons que réclamer le droit de vivre, comme tout citoyen de ce pays. Et nous irons jusqu’au bout pour sauver l’identité peule. Partout où nous croiserons des soldats maliens, nous les attaquerons.

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En avez-vous déjà attaqué ? Où ? Quand ?

Nous en avons attaqué trop, mais nous n’avons pas revendiqué ces attaques.

Que dénoncez-vous au juste ?

Nous réclamons d’abord la fin des exactions contre les Peuls, et aussi contre leur bétail. Nous réclamons aussi la justice. En 2013, l’armée a tué trente Peuls à Léré, qu’elle a balancés dans des puits. Il n’y a eu aucune enquête. Le mois dernier, 90 Peuls ont été tués près de Tenenkou. Des hommes ont été arrêtés, puis ils ont été libérés. C’est inadmissible. Enfin, nous réclamons notre droit à vivre sur la terre de nos ancêtres.

De combien d’hommes disposez-vous ?

Nous avons 700 hommes, et nous recrutons tous les jours. Ces hommes sont prêts à venger leurs frères qui ont été tués.

Où sont-ils ?

Nous n’avons pas de camp, nos équipes sont mobiles. Nous sommes dans les régions de Tombouctou, de Ségou, et jusqu’à Gao.

Et qui sont-ils ?

Nous avons de tout : des bergers, des sédentaires, des jeunes diplômés… Tous peuls.

Avez-vous des relais au sein de l’armée ou dans les milieux politiques ?

Nous avons des officiers avec nous, et aussi des responsables de Tabital Pulaaku (une association de Peuls dont le bureau national est à Bamako, ndlr). Je ne peux pas les nommer.

Êtes-vous en lien avec Ganda Izo, un autre mouvement armé qui dit défendre les Peuls dans les régions de Gao et de Tombouctou ?

Non. Pas encore.

Votre mouvement voit le jour au moment où le processus DDR (Désarmement, démobilisation, réintégration) est censé débuter. N’est-ce pas un moyen d’en bénéficier ?

Ce n’est pas notre priorité. Pour le moment, nous voulons mettre fin aux exactions contre notre communauté.

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