Libye : Khalifa Haftar , l’aspirant putschiste

À Benghazi, le vieux général libyen mène une bataille à mort contre les islamistes. Patriote pour les uns, opportuniste pour les autres, saura-t-il faire oublier ses zones d’ombre ?

Le général Haftar, ancien allié de Kadhafi, aurait eu des contacts avec la CIA. © AFP

Le général Haftar, ancien allié de Kadhafi, aurait eu des contacts avec la CIA. © AFP

Publié le 10 février 2015 Lecture : 3 minutes.

On avait ri quand Khalifa Haftar avait fait son pronunciamiento en février 2014 sur une chaîne panarabe. Même Ali Zeidan, le Premier ministre de l’époque, ne l’avait qu’à moitié pris au sérieux, annonçant qu’il serait poursuivi mais n’en faisant rien.

Aujourd’hui, Zeidan est hors course et approuve l’opération Dignité, lancée par Haftar. Soutenu par le gouvernement d’Abdallah al-Theni, installé à Tobrouk et reconnu par la communauté internationale, le général est présenté comme l’homme "qui défie Al-Qaïda", un nationaliste arabe, éradicateur assumé des islamistes -, mais qui reste marqué par un passé trouble. Récemment encore, il a semblé contester l’autorité de Theni et celle d’Abderrazak Nadhouri, le chef d’état-major censé le chapeauter.

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Sur le terrain, les succès du général sont limités. Certes, il a remis en selle l’armée et arrêté l’hémorragie des assassinats ciblés devenus courants depuis 2012 en Cyrénaïque. Mais, dans l’Est, ses alliés de Zintan ont perdu Tripoli au profit des islamistes de Fajr Libya. La capitale abrite, depuis août 2014, un gouvernement de salut national (GNS, non reconnu par la communauté internationale) hostile à l’opération Dignité.

Il rompt "moralement" avec Kadhafi

Haftar est né à Ajdabiya (Cyrénaïque) en 1943, dans la tribu des Firjan. En septembre 1964, il rejoint l’académie militaire de Benghazi où est entré un an plus tôt un certain Mouammar Kadhafi. Panarabiste tendance Nasser, il voit alors dans le futur "Guide" un mentor et un "ange". Simple membre du Mouvement des officiers libres qui a renversé le roi Idriss Ier en 1969, il est ensuite promu capitaine. Affecté à l’artillerie, il se forme en Égypte, où il participe à la guerre du Kippour contre Israël, en 1973.

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Au début des années 1980, il est nommé commandant de Tobrouk, puis de la région Est. Après une série de défaites cuisantes de l’armée libyenne au Tchad, Kadhafi l’envoie sur place. Ce sera son Waterloo. Commandant la base orientale de Ouadi-Doum, il est encerclé par les soldats tchadiens, agiles et faisant merveille avec leurs Toyota. Haftar est pris avec 400 de ses hommes le 23 mars 1987.

Pendant sa captivité, il rompt "moralement" avec Kadhafi, notamment après que celui-ci a renié les prisonniers libyens. Abandonné, il demande rapidement au président tchadien Hissène Habré de le mettre en relation avec Mohamed Youssef el-­Megaryef, le chef de l’opposition libyenne en exil. Est-ce l’absurdité de cette guerre qui lui a ouvert les yeux, ou a-t-il été guidé par son ambition personnelle ? Haftar avance la première raison pour expliquer sa défection.

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Dès avril 1987, il appelle "l’armée et le peuple libyens à renverser le régime corrompu". Et prend, en mars 1988, la tête de l’Armée nationale libyenne de l’époque, branche militaire du Front national pour le salut de la Libye (FNSL) de Megaryef. Sa base est constituée de 700 prisonniers de guerre parmi ceux capturés au Tchad : ce seront les "contras" libyens financés par Reagan et la CIA. En 1993, il est impliqué dans un complot contre Kadhafi.

Il laisse planer le doute sur ses intentions

Suit un long intermède : Haftar se fait oublier en Virginie, non loin de Langley, et obtient la nationalité américaine. Alors qu’il s’en vantait jusqu’au début de l’insurrection de 2011, qu’il rejoint en mars, Haftar nie désormais tout contact avec la CIA, qui ferait tache sur son CV de révolutionnaire. Même en jouant des coudes, il ne sera pas le chef des rebelles.

Cette frustration alimente son image de putschiste. Depuis un an, Haftar laisse planer le doute sur ses intentions. "Il se pose en sauveur, un peu comme l’a fait [l’ancien chef d’état-major égyptien devenu président] Sissi, explique à la chaîne Al-Jazira Karim Mezran, chercheur au Rafik Hariri Center for the Middle East. Le problème – et c’est toute la différence avec Sissi -, c’est que les Libyens ne l’aiment pas. Il n’est pas populaire."

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