RDC : Katumbi face à la justice, l’affaire des « mercenaires » expliquée à ceux qui ont raté le début

L’opposant Moïse Katumbi, candidat déclaré à la présidentielle en RD Congo, est de nouveau entendu mercredi à l’office du procureur général près la cour d’appel de l’ex-Katanga, dans le sud du pays. Nouvel épisode d’une affaire présumée de recrutement de mercenaires. De quoi s’agit-il ?

Moïse Katumbi, entouré d’une foule de partisans, le 11 mai 2016 à Lubumbashi. © DR

Moïse Katumbi, entouré d’une foule de partisans, le 11 mai 2016 à Lubumbashi. © DR

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Publié le 11 mai 2016 Lecture : 4 minutes.

Comme lors de sa première audition lundi dernier, Moïse Katumbi s’est rendu ce mercredi 11 mai à pied au parquet général près la cour d’appel de l’ex-Katanga, à Lubumbashi, où il est entendu dans le cadre d’une enquête sur le recrutement de mercenaires étrangers dans le sud de la RD Congo.

Accompagné de sa famille, de ses avocats, des stars du club TP Mazembe dont il est le président, de ses alliés politiques ainsi que d’une foule de partisans, le candidat déclaré à la présidentielle, tout de blanc vêtu et un drapeau de la RD Congo autour du cou, est arrivé vers 11 heures 20 au palais de justice.

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Plusieurs milliers de ses partisans qui étaient venus le soutenir, comme au premier jour de l’interrogatoire, scandant des chansons hostiles au président Joseph Kabila, ont été dispersés par la police. Certains ont pu forcer les barrages de police pour tenter d’occuper le bâtiment où devait avoir lieu l’audition, selon l’AFP.

Quelle est l’origine de l’affaire ?

Tout est parti d’une série d’arrestations de proches du dernier gouverneur de l’ex-Katanga. Le premier à être interpellé : Huit Mulongo, ancien directeur de cabinet de Moïse Katumbi. Le 22 avril, des agents de sécurité débarquent chez lui et l’arrêtent. Il est accusé de détenir illégalement une arme. Un revolver pourtant déclaré et enregistré auprès des services publics, selon sa défense.

Les choses s’accélèrent quarante-huit heures plus tard avec l’arrestation à Lubumbashi de deux fils de Pierre Lumbi, ancien conseiller spécial du chef de l’État, qui s’est rapproché de Moïse Katumbi. Là encore, une affaire de détention d’armes que les services de sécurité affirment avoir trouvées dans un hôtel de la famille Numbi. Pour réclamer leur libération, Moïse Katumbi annonce un meeting populaire le 25 avril.

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Des arrestations à l’affaire des « mercenaires »

Mais le meeting annoncé n’aura jamais lieu. À la place, un feu d’artifice de gaz lacrymogènes contre les manifestants qui accompagnaient l’opposant sur le lieu du rassemblement. Plusieurs d’entre eux sont arrêtés. Certains seront libérés le lendemain « après quelques vérifications et contrôles administratifs », indiquent des sources sécuritaires gouvernementales.

Ce jour-là, les forces de sécurité arrêtent aussi Darryl Lewis, un citoyen américain, et trois Congolais (Idi Sefu, Yannick Kabinda et Franck Mwashila), qui se trouvaient dans un véhicule, derrière les manifestants. Tous les quatre sont présentés comme des « mercenaires étrangers au service de Katumbi » et transférés le 25 avril à Kinshasa.

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Détenu et interrogé par l’Agence nationale de renseignement (ANR), Darry Lewis explique alors qu’il n’est qu’un fermier venu prospecter pour d’éventuels projets agricoles dans le sud de la RD Congo. Mais il se rétracte très vite pour affirmer qu’il est un « consultant en sécurité » dépêché à Lubumbashi pour évaluer le dispositif de la protection privée de l’ex-gouverneur Katumbi à qui l’État a retiré les policiers qui assuraient sa garde. Une deuxième ligne de défense soutenue par l’ambassade des États-Unis.

Que reproche-t-on à Katumbi ?

Mais pour les services de sécurité, Darryl Lewis est un mercenaire qui travaille pour Moïse Katumbi. Dès le 1er mai, le procureur général de la République Flory Kabange Numbi et des membres de l’ANR sont dépêchés à Lubumbashi pour mener des enquêtes.

Le 4 mai, le ministère de la Justice ordonne officiellement « [l’ouverture] d’un dossier judiciaire dans l’ex-province du Katanga », assurant détenir « la preuve documentée que plusieurs anciens militaires américains qui se trouvent actuellement au Katanga sont au service de M. Katumbi ». Ce dernier se déclarera candidat à la présidentielle quelques heures plus tard.

Alexis Thambwe Mwamba, le garde des Sceaux congolais, soutient qu’« il existe un réseau avec une société basée en Virginie aux États-Unis qui assure le recrutement de mercenaires spécialisés dans la formation, le maniement des armes, comme agent de sécurité, ou garde du corps ».

Quid de la réaction des États-Unis ?

Premiers concernés dans l’affaire, les États-Unis se disent « préoccupés » et suivent de près l’évolution de l’enquête judiciaire ouverte contre leur ressortissant, rejetant d’emblée toute accusation de mercenariat à son encontre.

L’opposant Moïse Katumbi fait face à un harcèlement politique, dit un diplomate européen

Des sources diplomatiques américaines, contactées par Jeune Afrique, soutiennent en revanche que Darryl Lewis travaille bien pour le compte d’une « société privée de sécurité très respectable qui offre ses services à plusieurs clients, publics ou privés, à travers le monde ».

Par ailleurs, Bruxelles et Paris n’ont pas officiellement pris position sur cette affaire présumée de mercenaires. « Mais tous les signaux indiquent que l’opposant Moïse Katumbi fait face à un harcèlement politique », souligne un diplomate européen basé à Kinshasa.

À l’en croire, « des sanctions devraient bientôt cibler quelques membres de l’entourage du chef de l’État congolais, qui encouragent la répression des opposants et font obstacles au respect de la Constitution en RD Congo ». Des ministres mais aussi des responsables de la police, de l’armée et des services de sécurité seraient dans le viseur de la communauté internationale.

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