Maroc – Russie : Mohammed VI au pays des tsars

Depuis le 13 mars, le roi du Maroc est en visite en Russie pour nouer des alliances économiques et chercher de nouveaux soutiens sur la question du Sahara.

Le président russe Vladimir Poutine a déjà visité le Maroc en 2006. © MIKHAIL METZEL/AP/SIPA

Le président russe Vladimir Poutine a déjà visité le Maroc en 2006. © MIKHAIL METZEL/AP/SIPA

ProfilAuteur_NadiaLamlili

Publié le 15 mars 2016 Lecture : 4 minutes.

Plusieurs fois planifiée et décalée pour des raisons « d’agenda politique « , la visite du roi Mohammed VI en Russie a finalement commencé le 13 mars (sans précision sur la date de sa fin). Accompagné de ses deux conseillers Taïeb Fassi Fihri et Fouad Ali El Himma, le monarque marocain veut construire un nouvel axe économique et politique avec la grande puissance de l’Est.

Commerce, peut mieux faire…

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Une dizaine de ministres marocains font partie du voyage. Agriculture, énergie, transport, tourisme… Même si les échanges entre les deux pays ont progressé pour atteindre 2,5 milliards de dollars en 2015, la balance commerciale reste largement déficitaire pour le Maroc. Vers la Russie, le royaume exporte des produits agro-alimentaires à très faible valeur ajoutée (agrumes, poisson, tomates) et importe des hydrocarbures.

Malgré la réunion, en juin 2014, du premier forum économique entre les deux pays qui a réuni 120 opérateurs marocains et autant d’investisseurs russes, la coopération est demeurée faible. Les Marocains n’ont pas été assez agressifs pour pénétrer ce vaste marché pour des raisons logistiques (insuffisance des dessertes aériennes) mais aussi en raison de l’instabilité de la monnaie russe.

Dans le tourisme, la baisse significative des touristes français et allemands, qui portent historiquement le marché au Maroc, pousse ce dernier à se tourner vers des pays à nouveaux riches comme la Russie et la Chine. D’ici 2020, le royaume ambitionne ainsi de drainer quelques 800 000 touristes russes.  

Chercher de nouvelles alliances

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Au niveau politique, la rencontre entre Mohammed VI et Vladimir Poutine qui a eu lieu le 15 mars, n’est pas une première. Le roi du Maroc avait déjà visité la Russie en 2002 et le président russe lui a rendu la politesse en 2006. « Les relations entre les deux pays sont enracinées dans l’histoire. Même pendant la guerre froide, Hassan II prenait garde de ménager l’URSS dans le cadre d’une neutralité active qui lui a permis de garder de bonnes relations avec la puissance de l’Est sans se fâcher avec ses alliés de l’Ouest», analyse Yousra Abourabi, chercheuse au sein du centre Jacques Berque à Rabat.

Le rapprochement entre les deux pays n’est donc pas une nouveauté, mais le résultat d’une diversification des marchés appliquée depuis quelques années par le Maroc dans son projet de devenir un hub régional. Le royaume est de plus en plus renforcé dans son ambition suite à la détérioration de ses relations avec l’Union Européenne, son partenaire commercial numéro 1 – en raison de l’annulation d’un accord agricole par la Cour européenne de justice – et aux récentes déclarations hostiles du secrétaire général de l’ONU, Ban Ki-moon, sur le dossier du Sahara.

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Sahara : le soutien des russes

Or, la Russie est membre du Conseil de sécurité et y dispose du droit de véto. Peut-elle apporter son soutien au Maroc sur la question du Sahara en ce moment difficile de tension avec l’ONU? À l’issue de son entretien avec le roi du Maroc, le président russe a déclaré que « la Russie prend dûment compte de la position du Maroc concernant le règlement de ce problème », rapporte l’AFP. Le chef de la diplomatie russe, Sergueï Lavrov, a pour sa part souligné lors d’un point presse que l’ONU devait continuer à jouer un rôle constructif malgré les récents malentendus ». « C’est un vieux problème, un problème très aigu. (…) Mais nous ne voyons d’autre solution que la recherche d’un compromis », a-t-il déclaré.

Sur le dossier du Sahara, Moscou adopte une position de neutralité, qui arrange bien le Maroc dans son conflit actuel avec l’ONU, mais ne va pas jusqu’à faire sienne sa proposition d’autonomie sous souveraineté. Même si Moscou n’a jamais reconnu le Polisario, elle a toujours apporté un soutien indéfectible à l’Algérie, un de ses principaux clients en matière de vente d’armes (plus de 80% de l’armement algérien provient de la Russie). Le Maroc, lui, achète plutôt chez les Américains et les Français.

Avec l’Algérie, ils représentent à eux-seuls 56% des importations d’armes en Afrique. Et la présence à Moscou du ministre déléguée chargé de l’Administration de la défense, Abdellatif Loudiyi, annonce l’intention du royaume de diversifier sa structure d’achats en faveur de la Russie et d’aller vers une coopération plus étroite en matière de lutte contre le terrorisme.

Package religieux 

« Le rapprochement avec la Russie n’entraîne pas l’exclusion de nos partenaires historiques », tiennent à préciser les responsables marocains. « Le clivage Est-Ouest, propre à la guerre froide, n’est plus d’actualité », rappelle d’ailleurs la chercheuse Yousra Abourabi. « Dans un contexte globalisé, tous les pays cherchent maintenant à diversifier leurs partenaires et ne sont plus obligés de choisir un camp au détriment de l’autre », explique-t-elle.

Rabat cherche à mener une politique étrangère modérée, où elle met en avant ses atouts. À Vladimir Poutine, Mohammed VI ne manquera pas de vendre son « Imam academy » qui forme à un islam modéré le personnel religieux africain et européen. La Russie compte plus de 25 millions de musulmans, établis essentiellement dans le Caucase. Un vivier où Rabat pourrait, là aussi, exercer son influence.

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