Déforestation africaine : le luxembourgeois Socfin, et son actionnaire Bolloré, épinglés par Greenpeace

La Société Financière des Caoutchoucs, domiciliée au Luxembourg, dont le groupe Bolloré est actionnaire à 38,75%, exploite 50 000 hectares d’hévéas et 80 000 hectares dans huit pays africains. Des plantations pour lesquelles Greenpeace, dans un rapport publié mardi, dénonce « une absence criante d’engagement environnemental » et l’inexistence d’une « politique visant à prévenir la déforestation ». Interrogés par « Jeune Afrique », la Socfin dit avoir établi une politique de lutte contre la déforestation en octobre 2015 et Bolloré renvoie à son actionnariat minoritaire.

La Socfin est présente en Afrique dans les plantations de palmiers à huile et d’hévéa depuis la fin du XIXe siècle. Son impact sur la déforestation pourrait s’accentuer avec la hausse de la demande mondiale pour l’huile de palme et le caoutchouc, craint Greenpeace. © Muriel Devey Malu-Malu

La Socfin est présente en Afrique dans les plantations de palmiers à huile et d’hévéa depuis la fin du XIXe siècle. Son impact sur la déforestation pourrait s’accentuer avec la hausse de la demande mondiale pour l’huile de palme et le caoutchouc, craint Greenpeace. © Muriel Devey Malu-Malu

Publié le 23 février 2016 Lecture : 4 minutes.

Dans un rapport publié mardi matin, Greenpeace épingle les impacts sur la déforestation – principalement dans les forêts du bassin du Congo – des plantations de palmier à huile et d’hévéa de la Société Financière des Caoutchoucs (Socfin), et de son actionnaire minoritaire le groupe Bolloré  (à 38,75%), les jugeant à rebours d’un « secteur dans lequel la majorité des entreprises se sont déjà engagé en faveur des pratiques de zéro déforestation ».

La Socfin exploite 50 000 hectares d’hévéas et 80 000 hectares de palmiers à huile en Afrique au Cameroun, en Côte d’Ivoire, au Ghana, au Libéria, au Nigeria, en République démocratique du Congo (RDC), à Sao Tomé-et-Principe et en Sierra Leone, rappelle Greenpeace, dans un rapport dédié aux « Menaces sur les forêts africaines » rendu public mardi 23 février.

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Le rapport évoque notamment deux projets controversés. En RDC, avec la filiale de Socfin baptisée Brabanta qui dispose d’une concession de 29 000 hectares depuis 2007. En cas de défrichement (seuls 6 090 hectares sont pour l’heure plantés), « les zones où les communautés locales pratiquent la chasse et la cueillette » sont menacées, estime le rapport, qui met également en garde contre la forte émission de gaz à effet de serre (8,5 millions de tonnes équivalent CO2) que la déforestation engendrerait.

Autre cas de figure au Sao Tomé-et-Principe, l’archipel du Golfe de Guinée où les forêts couvrent 28% du pays. Agripalma, filiale de la Socfin, y dispose d’une concession de 4 917 hectares. Pour Greenpeace, « si la Socfin avait adopté un engagement zéro déforestation, ces zones défrichées auraient pour l’essentiel été considérées comme cruciales pour la biodiversité ou le stockage de carbone ».

Et de conclure : « en refusant de formuler une politique zéro déforestation visant à protéger l’ensemble des forêts et zones riches en carbone, la Socfin et le groupe Bolloré se positionnent à rebours de la dynamique de progrès enclenchée dans le secteur ces dernières années, et de la volonté des consommateurs de ne plus contribuer à la déforestation et aux changements climatiques », estime l’ONG, qui adresse plusieurs recommandations à la Socfin et au groupe Bolloré.

« Ne pas laisser l’Afrique devenir une zone incontrôlée de production d’huile de palme »

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« Pour ne pas laisser l’Afrique devenir une zone incontrôlée de production d’huile de palme, la Socfin doit se mettre au niveau des nombreuses entreprises ayant pris des engagements zéro déforestation », dit Greenpeace à l’attention de la Socfin, invitant également le Groupe Bolloré à « user de son influence » auprès du groupe qui a produit, via 16 filiales, 185 443 tonnes d’huile de palme et 116 933 tonnes de caoutchouc naturel à partir de ses exploitations africaines, pour un chiffre d’affaires de 508,4 millions d’euros et un bénéfice net de 23,6 millions d’euros en 2014.

Dans son rapport, Greenpeace « demande à la Société financière internationale (SFI, filiale de la Banque mondiale) de suspendre la procédure de prêt » qui lui a été adressée par la Socfin. 150 millions d’euros, demandés à la SFI en 2015, qui doivent servir à financer les extensions et la certification à la Table Ronde pour l’Huile de Palme Durable, système international de certification des chaînes de production et de transformation de l’huile de palme, pour les concessions de la Socfin situées en Sierra Leone, au Libéria, au Ghana et en Côte d’Ivoire.

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Et l’ONG s’adresse enfin aux clients de la société luxembourgeoise, les appelant à « exiger de la Socfin qu’elle s’engage sans tarder en faveur d’une politique zéro déforestation alignée sur les meilleurs standards existants. En particulier, Greenpeace demande à Michelin de conditionner le maintien de ses relations commerciales avec la Socfin à la mise en œuvre d’une politique zéro déforestation », écrit Greenpeace en conclusion de son rapport.

Socfin revendique une première politique de lutte contre la déforestation formalisée en octobre 2015

Interrogée par Jeune Afrique, la Socfin indique, mardi, avoir été avertie la veille de la publication du rapport mais ne pas en avoir encore pris connaissance. « Nous avons formalisé une première politique de lutte contre la déforestation en octobre 2015, assise sur les critères de définition de la FAO [Organisation des Nations unies pour l’alimentation et l’agriculture] et permettant de définir les forêts à protéger et les autres. Nous l’avons adressée à Greenpeace qui n’a pas répondu sur le fond technique de notre définition, mais nous a seulement indiqué que nous nous écartions de l’approche HCS (High Carbon Stock) qu’elle promeut », note un responsable de l’entreprise, qui publiera ultérieurement une réaction après lecture du rapport de Greenpeace. [Lire ici la réaction mis en ligne le 3 mars 2016]

La secrétaire générale du groupe Bolloré, Marie-Annick Darmaillac, sollicitée par Jeune Afrique, « rappelle qu’il [le Groupe Bolloré] n’est qu’un actionnaire du Groupe Socfin, contrôlé majoritairement et dirigé par la famille belge Fabri, propriétaire de plantations d’hévéas et de palmiers à huile en Afrique et en Asie. Il ne peut donc pas être directement tenu pour responsable des actions ou des décisions prises par Socfin. Cependant, le Groupe Bolloré, exerce son devoir de vigilance et est actif en tant qu’actionnaire et administrateur de Socfin (mais non dirigeant). Il joue un rôle de facilitateur et d’intermédiaire dans cette affaire, en étant en relation régulière et directe avec Greenpeace depuis quelques mois. »

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