Cameroun : bras de fer chez les brasseurs

Premiers consommateurs de bière d’Afrique centrale, les Camerounais boivent aussi de plus en plus d’eau en bouteille. Sur ce juteux marché, les industriels locaux multiplient innovations et coups marketing.

Avec 4,8 millions d’hectolitres écoulés en 2011, SABC reste le leader incontesté du marché brassicole. © Nicolas Eyidi pour JA

Avec 4,8 millions d’hectolitres écoulés en 2011, SABC reste le leader incontesté du marché brassicole. © Nicolas Eyidi pour JA

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Publié le 25 juin 2012 Lecture : 4 minutes.

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Le Cameroun sort de ses frontières

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Entre les Camerounais et la bière, « c’est une véritable passion », pour reprendre la manchette publiée début avril par l’un des principaux quotidiens du pays. Sur deux colonnes, l’auteur de l’article s’agaçait devant les immenses panneaux publicitaires envahissant les rues de Douala ou de Yaoundé et qui, selon lui, expliquent en partie l’alcoolisme galopant constaté notamment chez les jeunes.

Montrés du doigt, les trois brasseurs du pays – la Société anonyme des brasseries du Cameroun (SABC), Guinness Cameroun SA et l’Union camerounaise de brasseries (UCB) – préfèrent se féliciter des bons résultats enregistrés année après année sur un marché domestique où la production est passée de 4,2 millions d’hectolitres de bière en 2006 à près de 5,5 millions en 2011. « Le Cameroun est de loin le premier marché de la Cemac [Communauté économique et monétaire de l’Afrique centrale, NDLR], voire d’Afrique ; il est donc essentiel d’y être présent », estime Norbert Eloundou, directeur de la communication de Guinness Cameroun SA, filiale du leader mondial des alcools et spiritueux, le britannique Diageo.

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Le groupe, qui a débarqué à Douala dans les années 1970, représente aujourd’hui 10 % à 15 % du marché brassicole national, tiré par son produit phare et ambré, la brune irlandaise Guinness, de plus en plus appréciée des consommateurs locaux. « La barrière de l’amertume se brise », constate Norbert Eloundou, surtout depuis la commercialisation réussie, en 2005, de la Guinness Extra Smooth, une variante plus crémeuse spécialement créée pour les marchés camerounais, ghanéen et nigérian.

Brunes ou blondes

Les brunes comptent donc de moins en moins pour des prunes au Cameroun, au point de pousser la concurrence à s’y intéresser de plus près, « mais ils n’ont pas encore trouvé la bonne formule », sourit Norbert Eloundou.

Les volumes de boissons gazeuses vendus augmentent en moyenne de 10% par an depuis 2008.

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Du côté de SABC, la plus importante filiale du groupe français Castel en Afrique, l’envie de « titiller Guinness sur les brunes » est bien confirmée, mais la priorité reste de conforter ses positions sur le segment des blondes, qui représentent plus de 80 % des volumes de bière consommés au Cameroun comme dans la sous-région. Une stratégie qui a fait ses preuves pour le leader historique du secteur : SABC a écoulé près de 4,8 millions d’hectolitres en 2011 (en hausse de 4 %) et truste 85 % des parts de marché. « Chacun ses produits et ses consommateurs », veut croire Serge Njapoum, directeur commercial de l’entreprise, qui dispose de cinq usines (à Douala, Yaoundé, Bafoussam et Garoua).

La lutte reste néanmoins frontale sur le segment des bières premium, compte tenu de l’augmentation du pouvoir d’achat d’une partie de la population, coeur de cible privilégié des deux brasseurs ces dernières années. « En tant que généraliste, nous devons nous positionner sur l’ensemble de la gamme », insiste Serge Njapoum. La même logique semble avoir motivé l’accord, effectif depuis mai 2011, avec le groupe français Pernod Ricard, qui permet à SABC de s’implanter sur un marché des spiritueux jusqu’alors bien contrôlé par les best-sellers de Guinness (vodka Smirnoff, whiskies Johnnie Walker ou J&B…). Quant au segment des boissons gazeuses, lui aussi en plein développement – les volumes vendus augmentent en moyenne de 10 % par an depuis 2008 -, il est également dominé par SABC (plus de 90 % des parts de marché).

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Pour le champion national, qui commercialise également une eau minérale (Source Tangui) et une eau de table (Aqua Belle, produite et vendue depuis deux ans à partir de son usine de Garoua, dans la région du Nord), le grand défi se situe désormais sur ce marché, littéralement inondé par les grands noms importés d’Europe, ainsi que par des marques locales toujours plus nombreuses.

Minérales

Les meilleurs ennemis

Concurrents au Cameroun, les groupes Diageo et Castel sont en revanche partenaires dans les autres pays de la région, le britannique n’hésitant pas à confier la recette de sa célèbre bière brune au français, chargé de sa production pour la Côte d’Ivoire, la Guinée équatoriale, le Gabon et, plus récemment, leTchad. Cette situation – « en effet assez particulière », reconnaît Norbert Eloundou, directeur de la communication de Guinness Cameroun SA – permet à Guinness d’étendre sa zone de chalandise. Castel étant présent dans l’ensemble des pays de la sous-région, sa filiale camerounaise SABC se contente pour sa part d’exporter un petit 1 % de sa production de bières et boissons gazeuses vers le Congo et la Guinée équatoriale. O.C.

« Avec un chiffre d’affaires qui double chaque année depuis cinq ans, le marché aiguise les appétits et devient aussi concurrentiel que celui de l’Europe dans les années 1980 », confirme le directeur commercial de SABC, encore loin d’être menacé : sa filiale, la Société des eaux minérales du Cameroun (SEMC), a vendu les trois quarts du million d’hectolitres consommé dans le pays en 2011, enregistrant au passage une croissance supérieure à 17 %.

Bien décidé à conserver son leadership face à des challengeurs très offensifs ces derniers mois, comme Semme ou Supermont, SEMC a tout de même prévu de produire 1,4 million d’hectolitres dès cette année pour suivre le rythme imposé par les consommateurs camerounais. Les ventes à l’export restent pour l’instant marginales (1,5 % des volumes), « mais le potentiel est énorme sur les pays de la Cemac et le Nigeria », souligne Serge Njapoum, qui vient justement de recruter un directeur export pour sillonner la région. 

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