Génocide au Rwanda : la présidence française annonce la déclassification de ses archives

C’est un pas historique que vient de franchir la présidence française en annonçant, mardi 7 avril, la déclassification de ses archives sur le Rwanda de 1990 à 1995, et donc sur le génocide des Tutsis en 1994.

Soldats français lors de l’opération Turquoise, en juillet 1994 dans le sud du Rwanda. © AFP

Soldats français lors de l’opération Turquoise, en juillet 1994 dans le sud du Rwanda. © AFP

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Publié le 7 avril 2015 Lecture : 3 minutes.

Mis à jour le 8/04 à 08h38.

C’est un symbole fort. Au jour de la commémoration du 21e anniversaire du génocide des Tutsis au Rwanda, mardi 7 avril, la présidence française a annoncé l’ouverture de ses archives sur le génocide. "Le secrétaire général [Jean-Pierre Jouyet] a signé aujourd’hui la décision portant déclassification des archives des documents de l’Élysée relatifs au Rwanda entre 1990 et 1995", a appris l’AFP de l’entourage de François Hollande. Une décision qui a été signée en présence de Dominique Bertinotti, ancienne ministre et mandataire des archives de la présidence de François Mitterrand, a-t-on précisé.

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Notes et compte-rendus diplomatiques et militaires

"Le président [François Hollande] avait annoncé il y a un an que la France devrait faire preuve de transparence et faciliter le travail de mémoire sur cette période sans que cette décision ne soit rendue publique", a ajouté l’entourage du chef de l’État. Le recensement des archives a par la suite été "lancé et coordonné" par le Secrétariat général de la défense et de la sécurité nationale (SGDSN). Les documents concernés mêlent notes de conseillers diplomatiques et militaires de l’Élysée, mais aussi des comptes rendus de conseils restreints de défense ou de réunions ministérielles. Ces archives seront à la disposition des chercheurs ou des associations de victimes, indique la présidence française.

Cette procédure de déclassification, précise-t-on par ailleurs à l’Elysée, est distincte de la vingtaine de procédures judiciaires toujours en cours au pôle "crimes contre l’humanité" du tribunal de Paris. Mais ce n’est pas tout. Cette première annonce des autorités françaises sera suivi par d’autres, notamment l’ouverture des archives de l’Assemblée nationale et des ministères des Affaires étrangères et de la Défense, chacune allant "à son rythme" dans une procédure soigneusement contrôlée par Paris.

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On y trouvera notamment les "archives Quilès", du nom de l’ancien ministre socialiste Paul Quilès qui avait présidé la mission des commissions de la Défense et des Affaires étrangères de l’Assemblée sur les opérations militaires conduites par la France et l’ONU, notamment, au Rwanda entre 1990 et 1994. Son rapport controversé avait été publié en décembre 1998.

Réactions positives

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Les réactions positives – mais sans optimisme excessif – ont été nombreuses pour féliciter la déclassification annoncée par la France, notamment au Rwanda. Gouvernement, association de victimes du génocide ou chercheurs saluent la nouvelle, tout en espérant que des documents cruciaux n’aient pas été expurgés des fonds mis à leur disposition. L’actuel président rwandais Paul Kagamé accuse toujours la France de complicité dans le génocide, reprochant à Paris d’avoir soutenu le gouvernement extrémiste hutu qui avait déclenché les tueries. Ce que Paris a toujours fermement démenti.

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"Depuis plusieurs années, la France a soufflé le chaud et le froid face à la responsabilité de certains de ses ressortissants dans la préparation et le déroulement du génocide", or "le respect dû aux victimes de ce drame tout autant que la reconstruction des rescapés ne peuvent se faire que par une exigence de vérité et de transparence à laquelle participe François Hollande à travers cet acte", estime l’association antiraciste SOS Racisme.

SOS Racisme considère néanmoins que "le chemin est encore long et escarpé" : la France devra notamment "accepter de reconnaître l’implication de certains de ses ressortissants" dans le génocide "et faire en sorte qu’ils aient à répondre de leurs actes devant la justice". L’Union des étudiants juifs de France (UEJF) "salue" elle aussi "un pas important", espérant qu’il "facilitera la lutte contre le négationnisme malheureusement répandu au sein d’une partie de la classe politique française". Le génocide des Tutsis et les massacres de 1994 avaient fait quelque 800 000 morts en quelques mois.

(Avec AFP)
 

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