SABMiller, des bières aux couleurs locales

Après l’Ouganda et bientôt l’Angola, la multinationale agroalimentaire adapte son breuvage universel aux régions d’Afrique selon les goûts et les règles du cru.

L’Eagle, bière à base de sorgho local, fait un tabac en Ouganda © SABMiller

L’Eagle, bière à base de sorgho local, fait un tabac en Ouganda © SABMiller

Publié le 15 octobre 2009 Lecture : 3 minutes.

C’est sur la rive nord du lac Victoria, à Jinja, à un endroit où des bulles d’air remontent mystérieusement à la surface pour signaler la source du plus long fleuve du monde, que Nile Breweries puise l’eau qui entre dans la fabrication de ses bières. Et notamment de sa marque Eagle, lancée en 2002, lorsque l’entreprise se portait mal. « Notre concurrent Uganda Breweries est installé à Kampala depuis 1946, et sa bière phare, Bell, a été difficile à détrôner. Mais, à travers Eagle, nous pensons enfin avoir trouvé le produit qui plaît aux Ougandais », se réjouit le PDG britannique de Nile Breweries, Nick Jenkinson.

Les chiffres de vente d’Eagle Lager et Eagle Extra – les deux produits lancés en 2002 – rendent compte du succès de ces bières à base de sorgho cultivé localement. En sept ans, la production a été multipliée par cinq, passant de 100 000 à 500 000 hectolitres. Et 8 000 emplois ont été créés dans la foulée, notamment dans la culture du sorgho. Au départ, la bière a été conçue pour le vaste marché rural, à faibles revenus. Mais l’engouement est tel qu’elle est aujourd’hui réclamée dans les bars huppés de la capitale. Eagle fait aussi la fierté de la maison mère de Nile Breweries, SABMiller, le groupe anglo-sud-africain – plus que centenaire en Afrique du Sud et coté à la Bourse de Londres depuis dix ans – réputé pour ses Pilsner Urquell, Grolsch ou encore Peroni Nastro Azzurro. 

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Succès dans les villes

En 2001, à la suite d’une nouvelle disposition fiscale pénalisante, Nile Breweries est sur le point de mettre la clé sous la porte quand elle est rachetée par SABMiller. « Le gouvernement ougandais venait de porter la taxe sur la bière à 70 %. C’est alors que nous avons eu l’idée de produire une bière à base d’ingrédients locaux et non à partir d’orge et de malt importés. Ainsi, nous avons pu, en 2002, profiter d’un taux fiscal zéro, prévu pour encourager l’essor de l’agriculture du pays », explique Nick Jenkinson. Mais nouveau coup dur en 2003 avec une nouvelle taxe de 20 % du gouvernement ougandais sur le prix de vente de la bière lancée un an plus tôt, puis de 30 %. « L’Eagle est vendue 1 200 shillings (42 centimes d’euro), ce qui demeure encore 30 % moins cher que les marques préférées des citadins : Club, Bell ou encore Tusker et Nile. Bien sûr, quand le gouvernement augmente la taxe sur Eagle, nous constatons immédiatement une baisse des ventes. Mais nous savons maintenant que la clientèle est suffisamment fidélisée pour supporter une taxe de 20 %. Vu le succès de l’Eagle, le gouvernement gagne aussi à maintenir la taxation à ce niveau », relève Nick Jenkinson.

Autre sujet d’inquiétude : la production de bière avec des ingrédients locaux n’est pas sans obstacles. Surtout que Nile Breweries se vante d’utiliser des produits bio. « La culture du sorgho complète nos récoltes. J’apprécie aussi que Nile Breweries nous propose un prix fixe à la tonne. Mais notre deuxième récolte de l’année est très pauvre, nous souhaiterions pouvoir acheter des engrais et des tracteurs », insiste John-Michael Okiiso, un agriculteur de Kachumba, près de la frontière kényane. « Nous ne sommes pas ici pour faire du bénévolat. Nous essayons maintenant de convaincre les agriculteurs de s’associer pour qu’ils puissent accéder à des crédits par les banques », rétorque Nigel Fairbrass, l’envoyé du siège londonien de SABMiller, pour faire le bilan du projet Eagle. 

Bière au manioc

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Et pour faire face à des problèmes d’approvisionnement, la brasserie Nile Breweries à Jinja substitue quelquefois du maïs au sorgho.

Les pays africains ont beau être fiers de leurs bières locales, la majorité de leurs brasseries travaillent avec des ingrédients importés, orge et malt. « L’importation est une habitude coloniale qui a perduré malgré la mise au point de semences adaptées », précise Nigel Fairbrass. De son côté, SABMiller maintient sa volonté de continuer à fabriquer des bières africaines. L’an prochain, en Angola, l’entreprise lancera une bière à base de manioc à la place du maïs.

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