Aung San Suu Kyi, la Mandela de Rangoon

Après une parodie de consultation électorale, la Prix Nobel de la paix 1991 a été libérée par la junte militaire au pouvoir depuis un demi-siècle. Réussira-t-elle à rassembler une opposition aujourd’hui atomisée ?

Aung San Suu Kyi en prière à la pagode, le 24 novembre à Rangoon. © AFP

Aung San Suu Kyi en prière à la pagode, le 24 novembre à Rangoon. © AFP

Publié le 27 novembre 2010 Lecture : 2 minutes.

Frêle, mais déterminée. C’est ainsi qu’est apparue l’opposante birmane Aung San Suu Kyi lors de sa libération, le 13 novembre. Prisonnière politique la plus célèbre du monde, elle a passé quinze des vingt-deux dernières années soit derrière les barreaux, soit assignée à résidence dans sa maison familiale, à Rangoon. Juchée sur le portail rouge de sa résidence, The Lady, comme la surnomment respectueusement ses compatriotes, a salué ses partisans accourus en nombre. « Cela fait longtemps que nous ne nous sommes vus », leur a-t-elle lancé, pleine de grâce et de dignité.

Prix Nobel de la paix (1991), Aung San Suu Kyi reste, en dépit de ses incarcérations répétées, l’icône incontestée de la résistance au régime militaire qui tient la Birmanie sous sa botte depuis 1962. Fille de l’artisan de l’indépendance birmane, le général Aung San, elle prend la tête du mouvement de contestation lors de son retour à Rangoon en 1988, après de longues années passées en Inde et au Royaume-Uni (à Oxford). Elle fonde alors la Ligue nationale pour la démocratie (NLD), qui, en 1990, remporte triomphalement les élections législatives. Hélas ! les militaires refusent farouchement d’en reconnaître les résultats. Nullement découragée, l’opposante poursuit sa lutte.

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On la compare souvent à Nelson Mandela en raison de sa détermination à libérer son peuple du joug d’un pouvoir inique par le dialogue et la non-violence. Dès sa libération, elle a d’ailleurs renouvelé sa proposition de négociations avec la junte, mais sans renoncer à « se battre pour ce qui est juste ». Sa tâche s’annonce d’autant moins facile que le régime militaire a assis son pouvoir en organisant, le 7 novembre, des élections qui annulent définitivement les résultats du scrutin de 1990.

Sans surprise, ce sont les partis proches de la junte qui ont été les principaux bénéficiaires de cette parodie de consultation, dont l’objectif affiché est d’instaurer une « démocratie disciplinée ». Bien entendu, la junte avait pris ses précautions en adoptant des lois électorales très restrictives et en multipliant les fraudes. Elle va continuer de tirer les ficelles du pouvoir via le Parti de la solidarité et du développement de l’Union (USDP), du Premier ministre Thein Sein, et le Parti de l’unité nationale (NUP) proche de Ne Win, l’ancien homme fort du régime. Pour prévenir tout risque d’« indiscipline », les militaires siègent désormais dans les assemblées élues. Conformément à la très contestée Constitution de 2008, un quart des sièges au Parlement bicaméral et dans les quatorze assemblées régionales leur sont en effet réservés.

Explosion en vol

L’opposition démocratique est d’autant plus affaiblie que la NLD, le parti d’Aung San Suu Kyi, a explosé en vol à la suite de sa décision de boycotter la farce électorale du 7 novembre. Les plus jeunes de ses militants l’ont abandonnée pour fonder deux nouveaux partis, la Force démocratique nationale (NDF) et le Parti démocrate (DP), qui ont présenté des candidats.

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C’est de la capacité d’Aung San Suu Kyi de rassembler autour de sa personne et de son parti cette opposition aujourd’hui atomisée que dépend la suite de sa carrière politique. Il va de soi que la junte compte sur les dissensions au sein de l’opposition pour réduire au silence et à l’oubli la « Mandela de Rangoon ».

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