Mali : voir au-delà des scrutins

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  • Pierre-François Naudé

    Pierre-François Naudé est responsable de la stratégie et du développement éditorial du site internet de Jeune Afrique, dont il a également été rédacteur en chef après avoir couvert le Mali et les pays africains lusophones.

Publié le 14 octobre 2011 Lecture : 2 minutes.

Où va le Mali ?
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Où va le Mali ?

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La question agite les grins de Bamako. Pour qui Amadou Toumani Touré va-t-il voter en 2012 ? Même ses plus proches collaborateurs avouent ne pas le savoir. Le chef de l’État malien, issu de la Grande Muette, sait tenir sa langue. Et sa parole. N’a-t-il pas affirmé à plusieurs reprises qu’il n’aurait pas de dauphin ? Une promesse que la classe politique a bien du mal à prendre pour argent comptant.

Depuis quelques semaines, elle est tenue en haleine par ce qui semble être une légère inflexion du positionnement présidentiel. De plus en plus souvent, lors de ses apparitions publiques, ATT convie l’un des favoris de la présidentielle de 2012. Dioncounda Traoré, Soumaïla Cissé, Ibrahim Boubakar Keïta – pour ne citer qu’eux – se disputent ses faveurs de plus en plus ouvertement. De-ci de-là, innocemment, ils se hâtent pour figurer sur la photo en sa compagnie et glissent de petites phrases louant son bilan ou son rôle de « soldat de la démocratie ». C’est bien le moins…

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Car le scénario aurait pu être radicalement différent. ATT a-t-il été tenté, comme beaucoup de ses pairs, par une modification constitutionnelle qui lui aurait permis de « faire durer le plaisir » avec un troisième mandat ? Beaucoup de Maliens le pensent, y compris parmi les personnalités les mieux informées de Koulouba. Et c’est tout à l’honneur du tombeur de Moussa Traoré d’avoir fait, malgré tous ses « visiteurs du soir », le bon choix. Celui de la sagesse et de la raison.

Une crise politique comme en ont connu de nombreux pays de la sous-région aurait sans doute fait voler en éclats les fragiles progrès réalisés ces dix dernières années. Dans tous les domaines, les défis restent en effet nombreux.

ATT a certes multiplié les routes, mais le racket pratiqué par les corps habillés y est toujours monnaie courante. La dynamique des initiatives privées est encourageante, mais le pays continue de souffrir d’une multidépendance aiguë : du climat pour son agri­culture, de l’aide extérieure pour son budget et ses investissements… Quant au risque d’instabilité dans le nord du pays, il met à l’épreuve la cohésion de la nation, sinistre le tourisme et accélère l’exode rural.

Comble de l’ironie : la croissance, stable et solide, est au rendez-vous, mais la pauvreté ne recule pas, ou si peu. La faute à une transition démographique qui tarde à se réaliser et qui hypothèque douloureusement l’avenir. Les écoles privées poussent d’ailleurs comme des champignons pour accueillir les rejetons des classes moyennes naissantes, mais l’enseignement public, à la dérive, est totalement sclérosé.

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C’est donc aux jeunes Maliens que les candidats doivent parler en priorité. C’est pour eux qu’ils devront poursuivre, après l’élection, la lutte contre la corruption engagée par ATT. C’est encore pour eux qu’ils devront consolider la démocratie malienne, en la dotant notamment d’une opposition digne de ce nom.

Le Mali a l’avantage d’incarner un modèle de civilisation millénaire. Il ne tire cependant sa force, au final, que de la transmission de ses valeurs à ses propres enfants. Alors, 2012 ? Non, c’est au moins 2022 qu’il faut viser. Et au-delà. 

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