Mali : l’art de devenir patron

Ces Maliens ont entre 30 et 45 ans. Expatriés pour un temps, ils sont rentrés au pays pour créer leur activité. Portraits.

Ces jeunes patrons, sont partis un temps et sont revenus au Mali pour créer leur activité. © Emmanuel Daou Bakary pour J.A. (excepté Amadou Sangaré)

Ces jeunes patrons, sont partis un temps et sont revenus au Mali pour créer leur activité. © Emmanuel Daou Bakary pour J.A. (excepté Amadou Sangaré)

Publié le 17 octobre 2011 Lecture : 5 minutes.

Où va le Mali ?
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Où va le Mali ?

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Sirandou Diawara ( à gauche sur le visuel ci-contre)

37 ans, PDG du cabinet SO-DA Architecture

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Au début, elle multipliait les allers-retours entre Paris et l’Afrique. En 2010, elle a fini par poser ses valises à Bamako. « Ce n’était juste pas possible, explique-t-elle en riant. Sur les chantiers, si on veut que le travail soit fait à la perfection, il faut être là en permanence, tout vérifier, tout suivre pas à pas. » Et ces chantiers, c’est surtout au Mali et dans les pays voisins qu’elle voulait les obtenir et les réaliser.

Aussi Sirandou Diawara a-t-elle mis sa vie parisienne entre parenthèses pour se consacrer à son cabinet bamakois, dont le chiffre d’affaires a atteint 100 millions de F CFA (152 500 euros) en 2010. Et depuis un an, le carnet de commandes de SO-DA Architecture ne désemplit pas. Architecte-conseil du groupe hôtelier Azalaï, de la Banque internationale pour le Mali (BIM), elle est aussi intervenue sur la décoration de la nouvelle Cité administrative du Mali ou encore sur celle de la résidence de l’ambassadeur du Japon à Bamako. Sans parler des projets de particuliers, de logements ou de locaux administratifs, y compris à Abidjan et Cotonou.

Fille de diplomate, Sirandou Diawara a quitté le Mali à l’âge de 10 ans. Elle a toujours voulu être architecte. Petite, elle comparait déjà les volumes et les espaces des maisons que la famille occupait au gré de ses escales. Celles-ci ne lui ont jamais fait perdre le contact avec la vie malienne : « Nous parlions bambara à la maison et passions toutes les vacances ici. » Le nom de son cabinet, SO-DA – qui signifie « le seuil », « la transition » en bambara –, témoigne de cette double culture.

Son objectif à très long terme : ouvrir un centre de formation. « Au Mali, on manque cruellement d’expertise. J’aimerais pouvoir transmettre le b.a.-ba aux manœuvres : lire correctement un plan ou mettre du scotch sur des plinthes pour que la peinture ne bave pas, cela peut sembler simple, mais cela doit s’apprendre. »

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Bacary Diarra

40 ans, PDG de Proveqtüs Afrique

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Bacary Diarra aime bien parler de son parcours. Non pour se vanter, mais pour expliquer que c’est possible. Fils d’éboueur, il est diplômé de l’École supérieure des sciences économiques et commerciales (Essec, France). Puis il a travaillé dans des entreprises de premier plan – CIC, Alstom Power, Grant Thornton et KPMG – avant de rentrer à Bamako en 2010 dans l’objectif de développer sur le continent Proveqtüs, le cabinet en ressources humaines qu’il a créé avec un ami en 2007 en région parisienne.

« On croyait qu’on allait se casser la figure. Et pourtant, tout se passe bien, très bien même », déclare-t-il, satisfait. L’un des plus gros problèmes au Mali, ce sont les compétences. Et c’est là que nous intervenons : trouver localement ou parmi les Maliens de la diaspora des personnes qualifiées. »

Depuis, Proveqtüs Afrique compte parmi ses clients les plus grosses entreprises privées du Mali et quelques institutions. Avec un chiffre d’affaires de 700 millions de F CFA (1 million d’euros) en 2010 et des perspectives de 1 milliard de F CFA pour 2011, tout va si bien que l’entreprise se diversifie en s’attaquant, d’une part, aux audits d’entreprises et, d’autre part, à la formation professionnelle en créant le Centre africain de formation professionnelle continue pour adultes (Cafpa) : « Notre objectif est de former environ 10 000 jeunes et de les insérer dans la vie active, avec le soutien de l’État et des entreprises privées qui financent les formations. »

Amadou Sangaré

39 ans, PDG de Sangaré Partners

Lycéen, il rêvait d’entrer dans un cabinet d’expertise comptable d’envergure mondiale. Vingt ans plus tard, Amadou Sangaré a fait le tour des « Big Four ». PricewaterhouseCoopers (1997-2001), Andersen France (2001-2002), Ernst & Young USA-Canada (2005-2007), Deloitte France (2007-2010). Luxe suprême, alors que Deloitte lui propose de monter le cabinet malien, Amadou Sangaré préfère quitter la maison et se mettre à son compte.

Depuis 2010, année de création de Sangaré Partners où son chiffre d’affaires s’élevait déjà à 100 millions de F CFA (152 500 euros), l’expert est toujours entre deux avions et cumule des jours entiers de décalage horaire. Tellement sollicité qu’il a décidé de sauter le pas et d’ouvrir des bureaux en dehors du Mali : Hong Kong depuis septembre – pour accompagner les investisseurs asiatiques en Afrique – et, dans les six mois à venir, Conakry, Ouagadougou, Abidjan et Paris.

Son chiffre d’affaires attendu pour 2011 va l’y encourager : 500 millions de F CFA. Mais qu’est-ce qui fait courir Amadou Sangaré ? La sensation qu’« il est peut-être temps que l’Afrique ait son cabinet de renommée mondiale ».

Daouda Coulibaly

31 ans, PDG de Trainis

Daouda Coulibaly devait reprendre le commerce de pièces détachées de son père à Sikasso (Sud). Mais, son bac avec mention en poche, il décide de se réorienter et, via une bourse du programme « 300 jeunes » de l’ex-président Alpha Oumar Konaré, il s’envole pour la France. Cinq ans plus tard, il obtient un master en aménagement du territoire et un DEA de géographie. En attendant de trouver un travail dans ses cordes, le jeune homme fait du commerce d’ordinateurs portables… Jusqu’à ce que le plan débrouille se transforme en plan de carrière. « Énormément de gens nous achetaient des portables, raconte-t-il, et ils nous rappelaient deux, trois fois parce qu’ils ne savaient pas s’en servir. C’est comme ça que ma compagne et moi avons eu l’idée de lancer des formations. On a commencé par des logiciels de bureau­tique. »

En 2008, il organise sa première formation, avec de petits moyens. Un an plus tard, Trainis naît officiellement et son catalogue devient plus ambitieux : comptabilité, management, gestion de projets, administration… Il s’élargit aussi vite que l’entreprise grandit. En 2009, le chiffre d’affaires s’établit déjà à 350 millions de F CFA (environ 533 000 euros). Et Trainis ouvre des bureaux à Conakry en 2010, à Brazzaville en 2011 et lorgne maintenant vers Abidjan et Dakar.

Kady et Fatou Sylla

44 ans et 42 ans, cogérantes de Syfa

La première, Kady, est assistante de direction, la seconde, Fatou, est traductrice. Nées au Congo, les inséparables ont tout vécu ensemble. Les déménagements successifs dus au métier de diamantaire de leur père, la pension en Belgique puis en Suisse, les études supérieures en France. Mais, en 1994, leurs chemins se séparent. Fatou part en Indonésie où elle travaille dans le transport maritime tout en gérant la petite fabrique de vêtements qu’elle a montée. Kady, lassée de la France, revient au Mali en 1998 et ouvre un magasin de vêtements. Alors, en 2001, lorsque Fatou rentre définitivement au Mali, les deux sœurs ouvrent l’African Grill. « À l’époque, il n’y avait qu’un seul vrai restaurant à Bamako, alors on s’est dit : “Pourquoi pas ?” »

Dix ans plus tard, l’établissement, situé dans le Musée national de Bamako, est l’une des meilleures tables de la capitale, et la petite entreprise des sœurs Sylla ne cesse de grandir. Leur SARL, Syfa – pour Sylla famille –, chapeaute Malibâche, traiteur et spécialiste en événementiel, ainsi qu’Azzara, un magasin de prêt-à-porter. Et très prochainement, un autre restaurant va ouvrir ses portes.

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