Tunisie : six forces politiques à l’assaut de la Constituante

Les huit partis légaux sous Ben Ali, ceux qui étaient interdits, et une centaine de nouvelles formations… De cette profusion de postulants à l’élection de l’Assemblée constituante tunisienne se dégagent six forces principales. Petit tour d’horizon.

Un vote blanc test a été organisé à Tunis, dimanche 17 octobre. © AFP

Un vote blanc test a été organisé à Tunis, dimanche 17 octobre. © AFP

Publié le 18 octobre 2011 Lecture : 4 minutes.

Constituante tunisienne : les enjeux d’une élection historique
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Constituante tunisienne : les enjeux d’une élection historique

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Ennahdha : l’incontournable

Si une chose paraît quasi certaine, c’est que le mouvement Ennahdha devrait arriver en tête de l’élection à la Constituante, sans pour autant espérer remporter la majorité absolue. Ses atouts : sa notoriété, son apparente bonne organisation, son implantation, le souvenir de la terrible répression durant le règne de Ben Ali et la stratégie de son leader, Rached Ghannouchi (en photo ci-contre, © Nicolas Fauqué, pour J.A.). Ce dernier n’a cessé de définir son projet de société comme étant civil et républicain.

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Cela lui a permis de s’intégrer dans le sérail politique, de dédiaboliser Ennahdha et de désarmer une grande partie de ses détracteurs laïques. Au sein de la Constituante, Ennahdha envisage des alliances, « sans exclusions ». Parmi les alliés possibles, on compte plusieurs partis dont, notamment, le Congrès pour la République (CPR) de Moncef Marzouki, l’homme qui, depuis son exil, a été le premier à dire « dégage ! » à Ben Ali, il y a de cela plusieurs années.

Ettakatol : la constance

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Ettakatol, connu jusque-là sous le nom de Forum démocratique pour le travail et les libertés (FDTL), fait également figure de favori. Son fondateur, Mustapha Ben Jaafar (en photo ci-contre, © Nicolas Fauqué, pour J.A.), maintient, depuis plus de quarante ans, un profil de social-démocrate intransigeant. Professeur de médecine, il ne fait pas de politique politicienne. Mais ses positions pondérées séduisent et rassurent une Tunisie désorientée. Sur la scène politique, Ettakatol a joué le consensus en entretenant, à un moment ou à un autre, des liens souvent étroits au sein du « Front du 23 octobre » avec le Parti démocratique progressiste (PDP), Ennahdha, le CPR, le Parti ouvrier communiste tunisien (Poct), Ettajdid…

PDP : quitte ou double

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S’il faut en croire les sondages sur les intentions de vote, le PDP est la deuxième force politique. Il a pour cela investi beaucoup d’argent durant la précampagne depuis juin dans l’affichage urbain et les spots télévisés. Le mouvement est personnifié par son fondateur, Néjib Chebbi (en photo ci-contre, © Nicolas Fauqué, pour J.A.), un animal politique reconnu. Ce qui peut être un point fort, mais aussi une faiblesse. Nationaliste, radical de gauche et farouche opposant à Ben Ali, il a tour à tour flirté avec Ennahdha, dialogué avec d’anciens responsables du Rassemblement constitutionnel démocratique (RCD, ex-parti au pouvoir) et noué des relations avec certains décideurs des milieux économiques. C’est peut-être une bonne tactique électoraliste, mais cela déroute. Ses colères, notamment à la télévision après des questions gênantes, suscitent également la perplexité. Candidat à la Constituante, Chebbi n’exclut pas de se retirer s’il n’est pas élu.

Pôle démocratique : erreur de casting ?

Ettajdid, émanation de l’ancien parti communiste, se fond dans une coalition qui s’appelle cette fois-ci Pôle démocratique moderniste et qui regroupe des formations sans poids réel et quatre associations liées au parti. Le coordinateur général de cette coalition est Riad Ben Fadhel (en photo ci-contre, © Nicolas Fauqué, pour J.A.), un communicant dont l’agence Kalima (filiale du groupe français Publicis) assure depuis mars la promotion médiatique d’Ettajdid et de son premier secrétaire, Ahmed Brahim. Cela n’a apparemment pas suffi pour que les pronostics donnent au pôle de grandes chances au prochain scrutin.

Les indépendants : un patchwork

Plus de 41 % des listes se présentent sous l’étiquette « indépendant ». Un ensemble hétéroclite dans lequel on retrouve des notables locaux parfois issus de l’ex-parti au pouvoir, des plaisantins, mais aussi et surtout des électrons libres. Les listes les plus en vue sont les vingt-quatre de l’Alliance démocratique avec à leur tête le flamboyant avocat islamiste Abdelfattah Mourou (en photo ci-contre, © Nicolas Fauqué, pour J.A.). Cofondateur d’Ennahdha en 1981, il dit aujourd’hui avoir « divorcé » de ce mouvement tout en reconnaissant sa propre appartenance à « l’islamisme ». On y retrouve aussi des islamistes « bon chic bon genre » comme Radouan Masmoudi, fondateur aux États-Unis d’une association d’islamistes démocrates, et des intellectuels spécialistes de l’intégrisme comme l’écrivain Slaheddine Jourchi. Les supputations vont bon train : ce regroupement va-t-il pêcher des voix dans les milieux libéraux ou réduire le score d’Ennahdha ?

Les destouriens : en embuscade

Les Tunisiens ne risquent pas de se réveiller au lendemain du 23 octobre avec une victoire des anciens collaborateurs de Ben Ali. Mais ces derniers, depuis la dissolution en mars du RCD, dont l’ancêtre est le Parti socialiste destourien (PSD), ont eu la liberté de constituer des dizaines de formations. Ils peuvent s’appuyer sur les réseaux dormants et les nostalgiques de l’ex-parti au pouvoir, mais aussi sur tous ceux qu’Ennahdha ou certains extrémistes inquiètent. De quoi peser au sein de l’Assemblée constituante. Les principaux ténors sont Kamel Morjane (de El-Moubadara, en photo ci-contre, © Ons Abid, pour J.A.)) et Mohamed Jegham (Al-Watan), deux anciens hauts responsables du RCD. Tous deux sont d’ex-ministres, originaires comme Ben Ali de Hammam-Sousse. Et sont pour l’heure inéligibles.

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