
Des partisans de Joseph Kabila le 10 décembre 2011 Lubumbashi. © AFP
Comme la communauté internationale, le ministre français des Affaires étrangères Alain Juppé se montre très prudent sur la situation politique en RDC, où la contestation de la "victoire" de Joseph Kabila à la présidentielle par l'opposant Étienne Tshisekedi risque de plonger le pays dans de nouvelles violences. Dans ce contexte très tendu, marqué par des suspicions de fraudes massives, le Centre Carter a commencé à lister certaines des "graves irrégularités" qui ont entaché le scrutin.
C’est de manière très neutre et prudente, sans porter de jugement sur le processus électoral congolais, que le ministre français des affaires étrangères s’est exprimé dimanche sur la situation politique en RDC. « La situation est explosive. J’en ai parfaitement conscience, parce que la tentation de recours à la violence est extrêmement forte, donc nous essayons de faire tout notre possible pour l’éviter », a assuré Alain Juppé, qui ajoute : « Nous avons du mal à nous faire une idée précise de la façon dont ces élections se sont déroulées ».
Sa déclaration intervient après que la Ceni a annoncé les résultats provisoires de la présidentielle avec quelque 72 heures de retard, sans explication, en donnant la victoire au président sortant Joseph Kabila avec 48,95% des voix contre 32,33% pour l’opposant Étienne Tshisekedi. Dans la foulée, celui-ci a rejeté « en blocs » les chiffres de la Ceni, s’estimant premier du scrutin avec quelque 54% des suffrages et s’autoproclamant « président élu » mais appelant les Congolais au calme et la communauté internationale à prendre « toutes les dispositions pour que le sang des Congolais ne puisse plus couler ».
Quatre morts à Kinshasa pendant le week-end
Les violences qui ont éclaté à Kinshasa pendant le week-end ont fait au moins quatre morts, selon la police : trois pillards et une femme touchée par une balle perdue. En outre, selon une source de sécurité, une tentative d’évasion de la prison militaire Ndolo, au centre de Kinshasa, a fait trois morts et 4 blessés dans la nuit de samedi. Mais dimanche, la situation était « relativement calme » dans la capitale, selon une source policière.
Le bras de fer entre le « Sphinx de Limete » et l’hôte du Palais des Nations ne fait que commencer. La communauté internationale, très mesurée pour l’instant sur le cas congolais, aura un rôle important à jouer. L’ONG de l’ancien président américain Jimmy Carter, qui a déployé quelque 70 observateurs pendant le scrutin, s’est pour l’instant contentée de noter de « graves irrégularités » dans le fonctionnement des Centres locaux de compilation (CLCR), chargés de rassembler les résultats des quelques 64 000 bureaux de vote congolais répartis dans 169 circonscriptions.
Seloin le Centre Carter, les principaux problèmes ont été rencontrés à Kinshasa, fief de Tshisekedi, et Lubumbashi (au Katanga, sud-est), où Kabila a fait des scores très élevés. « Les déficiences généralisées se sont déclinées à l’extrême dans ces deux sites ». Un avis qui tend à renforcer les nombreuses suspicions de fraude électorale.
Des partisans de l’opposition interpellés par la police, le 10 décembre 2011 à Kinshasa.
© AFP
"Na raïs c’est 100%"… des voix ?
L’ONG révèle ainsi que, « près de 2 000 plis de résultats de bureaux de vote ont été perdus (représentant à peu près 350 000 électeurs) et ne seront jamais comptés » dans la capitale, et que 1 000 autres plis ont été perdus dans le reste du pays (environ 500 000 électeurs). Les résultats de la Céni « relèvent plusieurs données qui manquent de crédibilité », particulièrement au Katanga, ajoute l’ONG.
Un cas est très parlant celui de la circonscription de Malemba-Nkulu, où la totalité des 493 bureaux de vote ont été pris en compte. Le taux de participation y est de 99,46%, et Kabila y réalise un score de… 100% des voix ! Le scénario n’est pas isolé : il est identique dans de nombreux bureaux du Katanga, où le président sortant récolte 100% des suffrages, avec des taux de bureaux compilés et de participation extraordinairement hauts. Au contraire de Kinshasa notamment, où ces mêmes taux sont souvent plus faibles, comme dans la circonscription de Lukunga : 1 709 bureaux comptabilisés sur 2 593, avec 386 288 votants sur seulement 833 513 inscrits…
Outre la pression populaire, il ne reste à Tshisekedi que le recours à la Cour suprême de justice, qu’il peut saisir jusqu’à mardi, s’il veut faire valoir son point de vue. C’est elle qui prend désormais le relais de la très controversée Ceni et qui doit proclamer les résultats officiels le 17 décembre. Mais Tshisekedi l’a qualifiée d’« institution privée de M. Kabila » et a rejeté toute éventualité de s’en servir.
(Avec AFP)
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