Togo : le RPT est mort, l’Unir lui succède

Le Rassemblement du peuple togolais (RPT, au pouvoir) de Faure Gnassingbé a signé le samedi 14 avril son propre acte de décès, à l’issue d’un congrès tenu à Blitta (plus de 200 km au nord de Lomé), une ville qui l’avait vu naître il y a 43 ans. Vendredi 20 avril, un nouveau parti, l’Union pour la République (Unir) doit lui succéder.

Faure Gnassingbé a transformé le RPT en Unir, non sans quelques réticences de caciques du parti. © AFP

Faure Gnassingbé a transformé le RPT en Unir, non sans quelques réticences de caciques du parti. © AFP

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Publié le 16 avril 2012 Lecture : 5 minutes.

Quel suspense… Il aura fallu attendre la fin du congrès, samedi 14 avril, pour être certain que le Rassemblement du peuple togolais (RPT) signerait son propre acte de décès. Tout avait été mis en place pour entretenir le mystère : absence d’ordre du jour au départ de Lomé, programme non officialisé, informations imprécises dans les médias, silence du secrétariat général du parti, etc.

Dans le chapiteau géant dressé pour la circonstance sur le terrain de football du Centre international de conférence de Blitta, seule une poignée des quelque 3 000 délégués réunis pour le sixième congrès extraordinaire du parti savaient par quel mécanisme surviendrait la fin de leur parti.

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Celui-ci fut dévoilé en fin de congrès par la lecture d’une résolution annonçant la modification de certains articles des statuts du parti. Cette dernière autorisait notamment « des rapports de collaboration avec des partis de sa mouvance ou avec tout autre parti en vue d’une coalition dans l’intérêt desdits partis » et permettait de « fusionner avec d’autres groupements politiques », toute chose qui aurait « les mêmes effets que la dissolution telle que prévue par les lois, règlements et principes généraux du droit en vigueur au Togo ».

Réticences

Conséquence : l’amendement du statut a entraîné automatiquement la « cessation de toutes les activités du RPT comme parti politique », ainsi que la fin – théorique – de 43 ans de pouvoir sans partage. Peu d’applaudissements ont cependant accompagné cette décision, preuve que la dissolution, attendue, n’était pas forcément du goût de tous, surtout des caciques et des « pères fondateurs » du parti, qui ont néanmoins, pour la plupart, fait le déplacement.

Du haut de la tribune d’où il a personnellement présidé les travaux du congrès, le président Faure Gnassingbé a sans doute perçu les réticences liées à la signature de l’acte de décès du parti.

Du haut de la tribune d’où il a personnellement présidé les travaux du congrès (sans se retirer après la cérémonie d’ouverture comme initialement annoncé), le président Faure Gnassingbé a sans doute perçu les réticences liées à la signature de l’acte de décès du parti. Dans son discours de clôture, il s’est directement adressé à ceux qui doutaient encore de la nécessité de franchir un nouveau cap.

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« Pour beaucoup d’entre vous, ce choix n’a pas été facile. J’ai moi-même éprouvé ces mêmes sentiments », a-t-il indiqué, avant de se féliciter du fait que les « appréhensions ont été surmontées pas à pas ». Pour le désormais ancien président du RPT, « le changement s’impose (…) comme une nécessité » pour faire face à de nombreux enjeux comme « le combat d’idées, la justice sociale, le respect de soi et des autres, l’éthique », etc.

Pour finir, Faure Gnassingbé a rendu hommage au fondateur du parti, son défunt père, le général Gnassingbé Eyadéma, « un meneur d’homme » qui était incontestablement la star du congrès. Le président togolais a aussi eu quelques paroles pour l’opposant historique Gilchrist Olympio, président de l’Union des forces du changement (UFC) avec qui il a passé un accord de gouvernement en mai 2010, et dont il a loué « le courage politique et la sagesse ».

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Au moment où les congressistes de Blitta assistaient au requiem de leur parti, un peu plus au sud, précisément à Atakpamé (161 km de Lomé), une centaine de personnalités issues de diverses obédiences politiques (RPT, partis et mouvements « pro-Faure », société civile, etc.) mettaient sur les fonts baptismaux, un nouveau parti, l’Union pour la République (Unir). Faure Gnassingbé, qui s’est précipité vers son véhicule à la fin du congrès du RPT à Blitta, est arrivé à temps à Atakpamé pour prendre part à la fin des assises de son nouveau parti, dont le congrès constitutif devrait se tenir vendredi prochain.

Quels cadres pour le nouveau parti ?

Plusieurs personnalités sont annoncées dans ce nouveau parti, tels Georges Ahidam, deuxième vice-président du bureau de séance et membre influent du Comité d’action pour le renouveau (CAR, parti d’opposition), ancien proche de l’ex-Premier ministre Yaovi Agboyibo, ainsi que Noël de Poukn, président de la Nouvelle jeunesse pour le soutien au président Faure (NJSPF) ou encore Gilbert Bawara, ex-ministre de la Coopération, du Développement et de l’Aménagement du territoire.

Le nouveau parti a adopté comme emblème une colombe dans un carré bleu turquoise, « symboles de l’espoir et de la paix », selon une source qui a participé aux assises. Unir prétend rompre avec les mauvaises pratiques – corruption, manque d’ouverture à la jeunesse et de démocratie interne, régionalisme, favoritisme, etc. – qui ont rendu le RPT détestable aux yeux de nombreux Togolais, y compris bon nombre de ses membres.

Faure sait bien que l’image du RPT ne passe plus depuis longtemps auprès de la population excédée par ses actions impopulaires. Il veut faire du neuf avec du vieux, les Togolais ne sont pas dupes.

Un proche de l’opposant Jean-Pierre-Fabre

Faure sait bien que l’image du RPT ne passe plus depuis longtemps auprès de la population excédée par ses actions impopulaires. Il veut faire du neuf avec du vieux, les Togolais ne sont pas dupes.

Pour l’opposition, la naissance de l’Unir reste un non-évènement. « Faure sait bien que l’image du RPT ne passe plus depuis longtemps auprès de la population excédée par ses actions impopulaires. Il veut faire du neuf avec du vieux, les Togolais ne sont pas dupes », a commenté un proche de Jean-Pierre Fabre, président de l’Alliance nationale pour le changement (ANC, principal parti d’opposition), qui doit se prononcer officiellement sur la dissolution du RPT dans les jours à venir. Nul doute qu’il ne manquera pas de demander la démission des députés du RPT de l’Assemblée nationale – comme ceux de l’UFC ayant rallié l’ANC de Fabre avaient été obligés de le faire en 2010.

L’adhésion attendue de Gilbert Fossoun Houngbo

D’ores et déjà, Unir peut compter sur l’adhésion des anciens militants et personnalités du RPT qui, même s’ils ne sont pas tous heureux de la mort de leur parti, ne souhaitent pas pour autant rester sur le quai du nouveau. Les membres de la trentaine d’associations de soutien au président (jeunes, femmes, agriculteurs, etc.) devraient aussi prendre leurs cartes de membres.

Une adhésion en particulier est très attendue : celle du premier ministre Gilbert Fossoun Houngbo. Homme indépendant, selon ses propres termes, il n’a encore jamais adhéré à un parti politique. Mais il était, à la surprise générale, au congrès extraordinaire du RPT…

La grande interrogation reste l’accueil que vont réserver les Togolais au nouveau parti. La majeure partie de la population vit dans la pauvreté et est davantage préoccupée par la simple survie que par les jeux politiciens. Mais l’un des secrets de la longévité du RPT de Gnassingbé Eyadéma a justement été l’adhésion des masses populaires au parti. Le fils Gnassingbé pourra-t-il relever le défi du père ?

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Par André Silver Konan, envoyé spécial à Blitta

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