Thomas Luhaka : « Dans les conditions actuelles, l’opposition ne participera pas aux concertations »

Les préparatifs de la tenue des « concertations nationales » initiées, fin décembre 2012, par le président congolais Joseph Kabila ne rencontrent pas un écho favorable au sein de l’opposition politique. Thomas Luhaka, secrétaire général du Mouvement pour la libération du Congo (MLC), formation politique de Jean-Pierre Bemba, reproche au pouvoir son approche unilatérale. Interview.

Thomas Luhaka, secrétaire général du MLC, un des principaux partis de l’opposition congolaise. © DR

Thomas Luhaka, secrétaire général du MLC, un des principaux partis de l’opposition congolaise. © DR

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Publié le 12 août 2013 Lecture : 3 minutes.

À Kinshasa, les "concertations nationales" se font toujours attendre. Annoncées depuis fin décembre 2012 par le chef de l’État congolais, Joseph Kabila, ces assises destinées à renforcer la "cohésion" du pays peinent à prendre forme. Un présidium pour conduire les débats a été nommé le 27 juin, suivi de la mise en place d’un secrétariat technique, mais la méfiance entre majorité au pouvoir et opposition politique demeure intacte.

La mouvance présidentielle soupçonne ses détracteurs d’instrumentaliser le forum pour remettre en cause la légitimité des institutions issues des élections du 28 novembre 2011. Alors que les partis politiques de l’opposition craignent, de leur côté, un passage en force des pro-Kabila sur le prolongement de son mandat au-delà de 2016.

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Thomas Luhaka, le secrétaire général du Mouvement pour la libération du Congo (MLC), explique à Jeune Afrique la nécessité de mettre en place un "comité préparatoire paritaire [majorité – opposition]" pour rassurer les deux camps.

Jeune Afrique : Pourquoi les préparatifs des "concertations nationales" initiées par Joseph Kabila ne vous satisfont-ils pas  ?

Thomas Luhaka : La majorité au pouvoir a défini unilatéralement l’ordre du jour, le format de la rencontre et le nombre des participants. Elle vient de mettre en place un secrétariat technique composé essentiellement de personnalités issues de son camp et de celui du président du Sénat [Kengo wa Dondo, nommé co-président du présidium des "concertations nationales", ndlr]. Une telle démarche ne peut pas conduire le pays à la cohésion et à la réconciliation nationales recherchées. Dans les conditions actuelles, l’opposition ne participera pas à ces assises.

Le principal préalable de l’opposition politique pour participer au forum national se résume donc à la mise en place de ce "comité préparatoire paritaire"…

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La mise en place d’un  "comité préparatoire paritaire" nous permettra en effet de résorber la méfiance qui existe entre l’opposition et la majorité au pouvoir.

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Certains partis craignent également que ces assises débouchent sur la modification de l’article 220 de la Constitution qui limite à deux les mandats du président de la République. Partagez-vous ces craintes ?

Nous n’avons aucune visibilité sur l’agenda de ce forum. La majorité peut nous surprendre avec la modification de l’article 220 de la Constitution. Nous fondons nos craintes sur la récente publication de l’ouvrage d’Évariste Boshab, le secrétaire général du plus grand parti de la majorité au pouvoir. Il y détaille les raisons qui rend nécessaire une modification de la Constitution en RDC.

Certes, Aubin Minaku, le chef de la majorité présidentielle, a essayé de nous rassurer, affirmant que l’ouvrage ne traduisait pas l’avis du président de la République. Mais, ce n’est pas suffisant. Joseph Kabila lui-même devrait faire une déclaration à ce sujet pour rassurer tout le monde, en affirmant clairement qu’il ne touchera pas à l’article 220 de la Constitution.

Ce qui se passe au Kivu n’est qu’un épiphénomène. Le phénomène le plus important, c’est la déliquescence de l’État congolais.

Toutes ces tergiversations ne démontrent-elles pas une fois de plus l’incapacité de la classe politique congolaise à avancer ?

Je le répète. Si ces assises, annoncées par le chef de l’État pour fin décembre 2012 ou, au plus tard, début janvier,  traînent encore à avoir lieu, ce n’est pas le fait de l’opposition politique. Nous voulons simplement améliorer le processus du dialogue.

Considérez-vous, comme le réclame le camp présidentiel, que ces assises doivent renforcer la "cohésion nationale" contre les groupes armés dans l’est de la RDC ?

Pour nous, la cohésion nationale vise également à ramener la paix dans la partie est de la RDC. Mais ce qui se passe au Kivu n’est qu’épiphénomène. Le phénomène le plus important, c’est la déliquescence de l’État congolais. Comment comprendre que, depuis des années, le gouvernement soit incapable de mettre en place une armée digne de ce nom ?

Nous devons aujourd’hui réhabiliter les pouvoirs régaliens de l’État : le doter d’une armée et d’une police républicaine, d’un service des renseignements et d’une administration efficaces ainsi que d’une justice indépendante. Ce n’est que de cette manière que la RDC pourra résorber le phénomène d’insécurité dans l’est du pays et rapporter la paix à ces centaines de milliers de Congolais qui errent aujourd’hui comme des bêtes sauvages dans leur propre pays.

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Propos recueillis par Trésor Kibangula

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