« Sauvons le Togo » : citoyens ou opposants ?

Les manifestations organisées depuis mi-juin au Togo ont donné une visibilité nouvelle à des partis politiques en perte de vitesse.

Rassemblement le long de la Lagune, à Lomé, le 12 juin. © Jean-Claude Abalo

Rassemblement le long de la Lagune, à Lomé, le 12 juin. © Jean-Claude Abalo

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© Vincent Fournier pour JA

Publié le 2 juillet 2012 Lecture : 3 minutes.

Manifestations à Lomé, échauffourées, arrestations… En quelques jours, le collectif Sauvons le Togo (CST) a réussi à attirer l’attention des médias. « Mouvement citoyen » selon ses fondateurs, il est pourtant accusé d’être une plateforme purement politique par ses détracteurs.

Tout a commencé avec l’adoption, le 25 mai, d’un code électoral que le CST juge favorable au parti au pouvoir avant les législatives qui doivent se tenir en octobre. Le collectif tente alors d’obtenir le retrait du texte et appelle à une série de manifestations pacifiques. Celles-ci devaient se tenir les 12, 13 et 14 juin à Lomé – les protestataires rêvant de faire du carrefour Deckon, dans la capitale, une nouvelle place Al-Tahrir. Mais dès le premier jour, tout dégénère : des casses et des affrontements font des blessés dans les rangs des forces de l’ordre et dans ceux des manifestants.

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Inaudible ces derniers mois, l’opposition togolaise vient ainsi de gagner une visibilité nouvelle. Un proche du pouvoir regrette d’ailleurs que le collectif, « qui dit se battre pour les droits de l’homme, [ait] des revendications qui, curieusement, sont toutes politiques ». Pour Jean-Pierre Fabre, leader de l’Alliance nationale pour le changement (ANC) et candidat malheureux à la présidentielle de 2010, « ce débat est inutile ». Ancien bras droit de Gilchrist Olympio, le patron de l’Union des forces de changement (UFC), Fabre trace son propre chemin depuis que son ex-mentor a conclu un accord avec le pouvoir. Il assure qu’il est « réducteur de ramener les revendications du CST au seul retrait du code électoral », puisque le collectif dénonce aussi la mauvaise gouvernance et le manque d’indépendance de la justice, et réclame le retour des députés de l’ANC sur les bancs de l’Assemblée nationale.

L’affaire Kpatcha

Qu’est donc le CST ? Créé le 4 avril, il regroupe huit associations de défense des droits de l’homme et de la société civile, ainsi que six partis politiques, dont l’ANC et Obuts, la formation d’Agbéyomé Kodjo, ex-président de l’Assemblée nationale et ex-Premier ministre. De fait, il se concevait à l’origine comme un regroupement d’organisations de défense des droits de l’homme, explique Zeus Ajavon, son coordonnateur, mais il a fini par rassembler plusieurs des figures de l’opposition traditionnelle. À Lomé, on n’a pas manqué de remarquer que deux des principaux meneurs du CST, Raphaël Nyama Kpandé-Adzaré et Jil-Benoît Afangbédji (respectivement rapporteur général et trésorier général), sont, comme Ajavon, des avocats qui défendent Kpatcha Gnassingbé, le demi-frère du chef de l’État, condamné en septembre dernier à vingt ans de réclusion pour une tentative de coup d’État.

Début 2012, la Commission nationale des droits de l’homme a affirmé dans son rapport que Kpatcha et ses coaccusés avaient été torturés. C’est sur ce point que les avocats ont d’abord cherché à attirer l’attention, avant même la création du CST. « Nous avons organisé plusieurs manifestations, mais nous étions limités dans nos actions. Nous avons donc estimé qu’on pouvait mettre ensemble tous ceux qui sont concernés par nos revendications », justifie Ajavon. Soupçonné de vouloir récupérer un mouvement de société civile à des fins politiques, ce dernier rejette l’accusation, sans parvenir à convaincre ses adversaires. « Son objectif inavoué, c’est de récupérer une partie de l’électorat du parti au pouvoir qui serait divisé par l’affaire Kpatcha », estime un proche du chef de l’État.

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Car s’il est une personnalité politique en vue au Togo depuis la création du CST, c’est bien lui. Avocat, professeur de droit à l’université de Lomé, ex-député du parti de l’ancien Premier ministre Edem Kodjo, l’Union togolaise pour la démocratie (UTD), Ajavon est, à 67 ans, parvenu à revenir sur le devant de la scène politique locale. Preuve de cette visibilité retrouvée, il a été reçu par le président, Faure Gnassingbé, avant la manifestation du 12 juin.

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