Sénégal : un journaliste est un citoyen comme les autres

De nombreux pays sont en train de revoir leur législation concernant la profession. Au Sénégal, faute de parvenir à un consensus sur la dépénalisation des délits de presse, le projet de loi tarde à être adopté par le Parlement.

Des vendeurs de journaux sénégalais. © AFP

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Publié le 14 novembre 2012 Lecture : 3 minutes.

Médias : l’autre révolution
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Examiné et adopté sans débat par le Conseil des ministres du 16 septembre 2010, le projet de loi portant code de la presse au Sénégal n’a toujours pas franchi l’étape de l’Assemblée nationale. Principal point d’achoppement, la dépénalisation des délits de presse, qui figure au coeur de ce texte, alors que le projet de loi – un document de 57 pages – comporte bien d’autres innovations, notamment des dispositions relatives au statut des journalistes, ou encore à l’environnement économique des entreprises de presse. Les députés de la précédente législature, estimant que le journaliste est un citoyen comme un autre et doit donc répondre de ses actes devant le tribunal pénal, peinaient à trouver un consensus sur les amendements à apporter. « C’est la seule chose qui empêche l’adoption du texte, mais nous allons devoir avancer », rassurait l’ancien président, Abdoulaye Wade, qui avait donné son accord de principe pour la dépénalisation des délits de presse en décembre 2011. Depuis lors, rien n’a bougé.

Le nouveau pouvoir, en place depuis mars, promet de faire adopter le projet de loi au cours de la nouvelle législature, mais il précise que ce sera « après réexamen » des points de litige avec les différents acteurs concernés mais aucune date n’a été avancée pour les nouvelles discussions.

En cas de diffamation, la sanction pécuniaire pourrait remplacer la sanction privative de liberté

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« La dépénalisation des délits de presse fait partie des bombes à retardement dont nous avons hérité du pouvoir sortant », indique-t-on du côté du ministère de la Justice, car, ainsi que le rappelle un proche de la ministre Aminata Touré, elle remet en question le principe général de droit selon lequel tous les citoyens sont égaux devant la loi. Sur cette question, les juristes sont intransigeants. « Une dépénalisation qui remettrait en cause les objectifs du droit pénal est une agression contre la société », avait déclaré Pape Oumar Sakho, ancien directeur de cabinet au ministère de la Justice et actuel président de la Cour suprême. Un constat que partage le juriste Mody Gadiaga, qui a participé au séminaire sur la dépénalisation des délits de presse en 2005. Pour l’enseignant-chercheur sénégalais, les délits de presse restent des infractions pénales et leur éventuelle dépénalisation, qui ne vise qu’à éviter la peine d’emprisonnement, ne saurait conduire à leur décriminalisation.

Les syndicats des professionnels des médias n’entendent pas céder et proposent de contourner le problème de façon sémantique, en parlant de « déprisonnalisation » plutôt que dépénalisation. Sachant que, au Sénégal, les condamnations à une peine de prison pour délit de presse sont vraiment exceptionnelles – les rares cas constatés étant consécutifs à des délits d’offense au chef de l’État, de diffusion de fausses nouvelles ou relatifs aux dispositions sur l’intégrité du territoire national.

"Déprisonnalisation"

Pour la secrétaire générale du Syndicat des professionnels de l’information et de la communication du Sénégal (Synpics), Diatou Cissé, la « déprisonnalisation » ne veut pas dire que les journalistes doivent être exonérés de toutes poursuites judiciaires. « Ce n’est pas l’esprit de ce code », insiste-t-elle, reconnaissant que les erreurs, voire la mauvaise foi sont évidemment possibles. « Nous demandons, par exemple, qu’en cas de diffamation il y ait une sanction pécuniaire en lieu et place de la sanction privative de liberté », explique Diatou Cissé. Dans ce cas, la personne diffamée pourrait saisir la justice afin de demander une réparation financière et l’amende serait payée par l’entreprise de presse. Sur ce point précis, certains journalistes émettent des réserves et suggèrent que la suppression des peines de prison ne soit pas remplacée par des condamnations pécuniaires, arguant qu’elles pourraient remettre en question l’existence même des organes de presse.

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