Chine : la fortune embarassante de « papy Wen »

À en croire le « New York Times », le Premier ministre et sa famille seraient à la tête d’une fortune colossale. Embarrassante révélation alors que se tenait à Pékin le 18e congrès du Parti communiste !

Wen Jiabao lors de l’anniversaire de la proclamation de la République populaire. © SIPA

Wen Jiabao lors de l’anniversaire de la proclamation de la République populaire. © SIPA

Publié le 20 novembre 2012 Lecture : 3 minutes.

Dans les couloirs d’ordinaire feutrés du Palais du peuple, on ne parlait que de ça. Les révélations du New York Times concernant la fortune cachée de Wen Jiabao ont fait l’effet d’une bombe. À en croire le quotidien américain, le Premier ministre chinois et sa famille seraient en effet à la tête d’une fortune d’un montant estimé à 2,7 milliards d’euros. L’affaire est d’autant plus embarrassante qu’elle a éclaté à la veille du 18e congrès du Parti communiste chinois – qui s’est tenu du 8 au 14 novembre -, à l’issue duquel le président et le chef du gouvernement ont passé la main. Et qu’elle a donc assombri fâcheusement cette fin de règne.

« Dans de nombreux cas, les noms des proches de Wen Jiabao n’apparaissent pas ouvertement. Ils sont dissimulés derrière des paravents, des instruments d’investissement impliquant des amis, des collègues de travail et des associés », affirme le journal. Ils posséderaient ainsi des intérêts, parfois sous le couvert de sociétés offshore, dans des banques, des bijouteries, des stations touristiques, des compagnies de télécommunications et divers projets d’infrastructure.

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Reine des diamants

Ancienne institutrice aujourd’hui âgée de 90 ans, la mère du Premier ministre serait ainsi à la tête de 100 millions d’euros placés dans la société d’investissements Ping An. Son frère aurait décroché pour sa société de traitement de déchets des contrats publics d’un montant équivalant à 23 millions d’euros. Et sa femme, surnommée « la reine des diamants », contrôlerait l’essentiel du très lucratif marché des pierres précieuses. Mais c’est toute la famille qui aurait fait fortune dans le sillage de celui que l’on surnomme parfois, affectueusement, « papy Wen ». Et dire que celui-ci jouait volontiers les pères la vertu en fustigeant la corruption et le népotisme des élites !

La Chine crie à la manipulation et a bloqué l’accès au site internet du journal. Sur les réseaux sociaux, les mots Wen Jiabao et New York Times sont désormais censurés. Il s’agissait d’empêcher à tout prix que le scandale ne perturbe le congrès. Certains se demandent d’ailleurs à qui profitent ces révélations. Et si leur origine ne doit pas être recherchée du côté de l’aile gauche du Parti, qui était en guerre ouverte contre Wen Jiabao…

Quoi qu’il en soit, « papy Wen » n’a nullement l’intention de jouer les victimes expiatoires. Il a promis d’engager des poursuites contre le quotidien américain et ses informateurs, annoncé qu’il était prêt à se soumettre à une enquête sur sa fortune présumée, et propose de faire adopter une loi pour contraindre les dirigeants chinois à déclarer officiellement leurs revenus. Une loi qui a bien peu de chances de voir le jour compte tenu de l’ampleur de la corruption dans le pays. Depuis cinq ans, 660 000 cadres ont été sanctionnés pour des affaires de ce type. La Banque centrale estime pour sa part que plus de 10 milliards d’euros disparaissent chaque année dans les poches de fonctionnaires ripoux.

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Quelle justice ?

« La corruption va détruire le Parti, avertit l’universitaire Minxin Pei, qui enseigne les sciences politiques. Mais lutter sérieusement contre elle obligerait à revoir le système politique dans son ensemble. Quel contre-pouvoir ? Quelle justice ? Rien n’est prévu pour contrebalancer la toute-puissance du Parti et le sentiment d’impunité de ses responsables. »

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Ces petits arrangements entre « camarades » font grincer bien des dents. Pew, le centre de recherche américain, vient ainsi de publier les résultats d’un sondage qui révèlent que 50 % des Chinois estiment que la corruption est aujourd’hui un « très gros problème » – ils n’étaient que 39 % il y a quatre ans. Ils sont 48 % à penser que le fossé entre riches et pauvres menace l’équilibre de la Chine. Un fossé que l’équipe mise en place à l’issue du congrès a la lourde tâche de combler. 

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